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                               JOSEPH       ROUX                                 389
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des premières sociétés savantes d'Allemagne (Halle, Karras, 1883 ) , tous ces
travaux assureront à Joseph Roux une grande place parmi les romanistes du
siècle en même temps qu'ils serviront à confirmer le relèvement de son idiome
qu'il a entrepris si vaillamment.
    Il resterait à parler encore de ces trois recueils de pensées dont nous avons
donné un premier aperçu au commencement de notre étude. Mais est-ce bien le
lieu, dans une chronique félibréenne, d'insister sur un ouvrage français?... Plus
peut-être qu'on ne pourrait croire, tant l'isolement du poète a pesé unifor-
mément sur les produits de sa pensée. H y a dans ces Maximes, Etudes et Images,
de cette amertume ou désillusion, comme ou voudra l'appeler, qu'on trouve à
chaque pas dans le Journal d'un poète d'A. de Vigny. Avec cette différence
que celui-ci a coudoyé les hommes et en a été délaissé, que celui-là est
resté ignoré, sans arriver à désarmer l'indifférence 1 . Une autre influence
qui tempère cette fois la sobriété, l'amère âpreté de cette œuvre, semble venir
d'Bspagne. Elle y constitue un mysticisme pour le fond, un colorisme pour
la forme, dont les traces fréquentes reposent agréablement. Dans les vers fran-
çais, par exemple, cette double influence relève singulièrement la monotonie des
idées. Dans les maximes également, qui sont souvent admirables, ce culte de
l'image est apparent. Moins pourtant que l'on pourrait s'y attendre chez un poète
méridional. Joseph Roux n'a-t-il pas dit: « La pensée fait entendre, l'image
fait voir. Il y aura toujours plus d'éloquence dans l'image que dans la pensée. »
Ce qui peut paraître un paradoxe à quelques-uns est pourtant une vérité pour le
peuple. Or, Joseph Roux l'a étudié, surtout le peuple des campagnes...
   Écoutez ses observations :
   — Les gens de Tulle appellent nos paysans: peccalas (jjeccata). Ce sobriquet
renferme un sens admirable. Le paysan, c'est bien le péché, le péché originel
encore persistant et visible dans toute sa naïveté brute, dans toute sa brutalité
naïve.
   — Le paysan n'aime rien, ni personne, que pour l'usage.
   — Le paysan est déiste: hors de là il laisse dire et laisse faire.
   — Le paysan qui ne vient à nous que par besoin, se croit nécessaire et se
donne de l'importance dès que nous allons à lui par charité.
   — « Sait-on de qui ou de quoi l'on peut avoir besoin?... » Voilà, en abrégé,
la préoccupation, le caractère et le mobile du paysan.
   —• Le paysan est maussade payeur comme le sol qu'il laboure.
   — La création n'a pas d'animal plus sobre que le paysan chez lui, moins sobre
que le paysan chez les autres.


  1
     « Tant que les Allemands se sont bornés à étudier le provençal, ce n'a été qu'un
encouragement pour la cause. Mais voilà qu'ils se mettent à éditer les œuvres de
notre renaissance; cela devient une sanction. » Lettre de M. de Berluc-Perussis,
17 février 83.
  2 II y a des âmes sœurs et la solitude peut pleurer en tout lieu. Pourquoi donc
ne pas rappeler les Pensées de la reine de Roumanie, dont la mélancolie, moins
hautaine que dans le Journal d'un poète, semble parfois un écho des mêmes dou-
leurs dont retentissent les Maximes de J.Roux. Nous sommes heureux, à ce propos,
de signaler une forte étude du D' J. Condamin sur les Pensées d'une Reine, dans
son nouveau volume : Croquis artist. etlittèr,   (Paris, Ernest Leroux, éd.)