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      LA VIE I N T É R I E U R E AU D I X - S E P T I È M E SIECLE       319
souci que celui de voir, dit-elle, son orgueil se transformer en
ange de lumière, pour avoir lui-même de quoi vivre. Peut-être
n'avait -elle pas tout à fait tort.
   C'est un gouverneur de province, d'abord avare, brutal, insen-
sible, hautain, puis si touché par la grâce de mansuétude et de
tendresse pour les pauvres, ses frères en Jésus-Christ, qu'entrant
dans une ville et apercevant un malade couché sur la paille, il
ordonne à son maître d'hôtel de lui donner un lit. — « Mais nous
n'en avons pas de reste. — Donnez-lui mon matelas, je ne puis le
laisser dans l'état où il est. »
   C'est le baron de Renty et le marquis de Fénelon, avec le
concours desquels se fonde une association contre les duels et qui
portent, à la cour et à l'armée, comme l'a dit un excellent juge,
l'édification des plus hautes vertus. Ce sont M!!e de Vertus,
Mmede Bréautè, Mme Acarie, Mme de Miramion, Mme de Chantai et
ce chœur immense de jeunes filles et déjeunes veuves, dont les
noms se pressent sur mes lèvres et que je ne puis toutes citer, mais
 dont les saintes mortifications embaumèrent le monde longtemps
avant qu'elles le quittassent, qui se dérobèrent à lui longtemps
avant d'en sortir, et dont on ne peut lire les admirables vies sans
éprouver quelque chose de plus qu'une émotion ardente, quelque
chose qui n'éblouit pas, mais qui rassure le regard, qui console et
qui attendrit.
    Mais tout cela, c'est de la charité, c'est du désintéressement,
de la miséricorde, de l'humilité, du dégoût du monde, peut-être
mêlé de je ne sais quelle secrète désillusion et de quelque dépit.
Ce n'est pas encore, dira-t-on, l'abdication du moi humain, de
la volonté. Veut-on donc un dernier exemple ? Je pourrais
l'emprunter à de nobles et. de grandes âmes : une obscure villa-
geoise, dont le nom serait bien ignoré si saint François de Sales ne'
l'avait recueilli, nous l'offrira. C'était une pauvre petite drapière,
 dont le mari était très fâcheux, c'est-à-dire fort irascible, et qui,
 malgré ces colères conjugales, entretint toujours la paix et la
 concorde dans sa maison. Elle était, dit le saint évêque, fort
 avant dans les pratiques de piété, et pourtant elle ne se relevait
 la nuit pour prier que sous le bon plaisir de son époux. La veille'
 de sa mort, elle voulut aller à l'église pour recevoir l'extrême^'
       MARS 1883. — T. V.                                      21              ,