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      LA VIE I N T É R I E U R E AU D I X - S E P T I E M E SIECLE   309

 intervalles un jour, une heure qu'elles mettaient à profit pour la
conscience. Quelquefois, sous un <âioc inaperçu, elles rompaient
 brusquement avec tout ce qui leur était cher et couraient s'ense-
 velir dans la retraite. Dans cinq ou six pages exquises, saint Jean
 Chrysostôme raconte qu'après plusieurs années de jeunesse écou-
lées dans l'activité et la dissipation delà vie publique, au palais
 et même à la comédie, l'exemple d'un de ses amis vînt le convier
 à la vie solitaire : sa mère s'en émut et voulut le retenir. Elle le
prit par la main, dit-il, le mena dans sa chambre, et là, l'ayant
fait asseoir près d'elle sur le lit où elle l'avait mis au monde, elle
commença à pleurer et à se plaindre tendrement. Le jeune homme
fut touché d'abord; mais son ami revint à la charge, et le voilà
qui, un jour/finit par se dérober au toit maternel. Je ne veux pas
évoquer les ombres des Sacy, des Àrnauld, des Le Maître et des
autres solitaires de Port-Royal ; mais, en les mettant à part comme
ils s'y étaient mis eux-mêmes, les Chrysostômes ne sont point rares
au dix-septième siècle ; sans sortir delà vie laïque, on les rencontre
à chaque pas, à la cour, à la ville, au palais, à l'armée, en province,
aux sommets de l'aristocratie comme dans les modestes logis bour-
geois, jusque dans la demeure plus humble de l'artisan : tous ont
reçu plus ou moins vite le coup de la grâce et, dans leurs médi-
tations avec eux-mêmes, tous ont entendu murmurer àleur oreille
ce secrej; appel, auquel peut-être ils n'ont pas obéi sans effort ni
sans larmes: Toile, lege.
   Toutefois, cette science de la vie de l'âme, en quelque sorte si
nouvelle ou du moins si renouvelée, avait besoin de guides, de
conseillers, de maîtres ; elle ne devait pas, sous peine de dévoyer
et de se corrompre, être "abandonnée à elle-même ou plutôt à ceux
qui s'y étaient librement soumis et qui la pratiquaient; car, si.la .
conscience est un délicat et excellent moniteur des fautes com-
mises, elle ne saurait être, à elle seule juge, dans sa propre
cause ni tracer sûrement les voies à poursuivre afin de se sous-
traire à de nouveaux écueils. A la vie intérieure, il fallait donc
une direction intime, mais extérieure, c'est-à-dire venant du
dehors. Un tel gouvernement ne pouvait appartenir qu'à l'Église,
qui est la maîtresse de la spiritualité, et qui la pèse au poids du
sanctuaire.