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286                       LA REVUE LYONNAISE
            Soun pèr lis auceloun que van li bequeta,
            Soun pèr moun frai l'ôubrié., soun pèr l'Umanita.
            E dins la terro sèmpre mudo,
            Em'Aquéu d'amount pèr ajudo,
            Iêu fasiéu lou miracle eterne e lou mai grand
            D'adurre à flouresoun uno espigo em'un gran,
            Quand ta voues, comme un cop d'aurasso,
            A flaehi lou front de ma raço !
            Oh ! Pougnènti paraulo ! oh ! coutèu de doulour !
            0 pouèto ! pèrque trapeges mi labour ?
            S'ères tout autre, à cop de mouto
            Iéu te fariéu teni la routo.
            Mai lou Pouèto es fraire emé lou garigau :
            Escrivon tôuti dous, crèon e soun egau.
            0 moun Egau, vès l'escrituro
            Que sus la terro brouvo o duro
            lêu trace emé l'araire. Ai laboura tout Tan,
            Obro divino, pèr escriéure lou mot « pan ! »
            ... Désire, ô Mèstre ! ô grand Troubaire !
            Qu'autant que l'obro de l'araire
            Toun obro dure : autant que i'aura de bla rous,
            E que l'ome dira ; « lou pan es sabourous ! »

                                                         FÉLIS GRAS.


   Et dans la terre toujours silencieuse, avec Celui de Jà-haut pour aide, je faisais
le miracle éternel et le plus grand d'amener à floraison un épi avec un seul grain.
  Quand ta voix comme un coup d'orage a courbé le front de ma race ! Oh ! poignantes
paroles! Oh! couteau de douleurs! O poète! pourquoi piétiner mes labours?
  Si tu étais tout autre à coups de mottes je te ferais tenir le chemin. Mais le poète
est frère avec le paysan : Ils écrivent tous les deux, ils créent et sont égaux.
  O mon Egal, vois l'écriture que sur la terre friable ou durcie je trace avec mon
araire, j'ai labouré tout l'an, travail divin, pour écrire le mot« pain. »
  Je désire ô Maître! O grand Trouvère! Qu'autant que l'œuvre de l'araire ton
œuvre soit durable : aussi longtemps qu'il y aura des blés roux, et que l'homme
dira : « Le pain est savoureux. »