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126                       LA R E V U E     LYONNAISE

   Voulez-vous en savoir la cause ? écoutez Napoléon Peyrat : « Maître, m'osfc
dit quelques félibres septimaniens, découvrez-nous nos origines ; quels sont nos
aieux? — Vos aïeux, ce sont les héroïques troubadours des douzième et treizième
siècles. Toute renaissance suppose une mort, un martyr qui se réveille dans son
tombeau. Or, cette grande et sainte martyre, c'est l'Aquitaine. Comme l'Ers
pyrénéen descend des trois gouffres volcaniques du Thabor, notre poésie descend
des guerres de la Patrie, des orages du Paraclet. Les Provençaux s'arrêtent au
roi René, les Catalans au roi don Jaime. Ils puisent l'onde au marais, au lieu de
la recueillir à la cascade, dans la nuée. Derrière est un monde d'héroïsme et de
douleur. Il en sort des tempêtes. Mais ces nuages voilent la source sainte. C'est
notre Siloé. » Et sur ce ton biblique, renouvelé d'Edgard Quinet, « le grand
patriote occitanien, le suprême chanteur du Romancero pyrénéen, l'historien
vengeur de nos martyrs albigeois et protestants, » comme l'appelle M. de Ricard,
 enseigne à ses disciples -leurs devoirs de poètes et de patriotes languedociens.
 Dans cette exagération même, il y a un idéal et par conséquent une grandeur ' .
    Le relèvement spontané de l'idiome du Languedoc engagea donc Napoléon
 Peyrat, Auguste Fourèset Louis-Xavier de Ricard à entrer dans la voie nouvelle
 Tous trois s'étaient déjà fait connaître par leurs poésies françaises. Ce dernier
 avait été l'âme du salon parisien de la marquise de Ricard, sa mère, où les
 Parnassiens s'étaient réunis pour la première fois. Mais à l'époque dont nous par-
 lons, il habitait le mas du.DiaW£,près Montpellier, avec sa femme, Lydia Wilson
 (Dulciorella), d'origine anglaise et dontles poésiessontles plus remarquables qu'une
 femme ait écrites en languedocien. Auguste Fourès s'étant lié d'amitié avec lui,
 ils publièrent vers la fin de 1876 la Lauseta (l'alouette), almanach du patriote
 latin, avec le concours d'écrivains d'Italie et d'Espagne. Les idées de Révolution
 et de Fédéralisme y dominaient. L'almanach parut trois années, et concurremment
 avec une revue de la même école, VAlliance latine, depuis 1878. Puis M™2 de
 Ricard mourut dans toute la fleur de sa jeunesse et de sa beauté; les publications
 du mas de la Lauseta cessèrent spontanément. — M. de Ricard est aujourd'hui
 établi dans la République Argentine.
     Auguste Fourès publia ses premières poésies languedociennes (dialecte de Cas-
  tclnaudary) dans la Revue des langues romanes et l'almanach de la Lauseta,
  Depuis cette époque (1876), il n'a presque rien écrit en français. Nous ne pou-
  vons passer sous silence deux ou trois plaquettes de la plus haute valeur qui ont
, suivi son premier recueil. Il s'agit d'une brochure en prose, les Sylves païennes
  et de trois poèmes le Fer ouvré, Antée et Marsyas. Ce dernier, le meilleur
  peut-être, mérita une appréciation de Sully-Prudhomme qui est la-plus exacte
  que j'aie rencontrée des poésies françaises de Fourès : « C'est avec une pleine
  conscience de mon impression, lui écrivait le poète des Solitudes, que je puis
  aujourd'hui vous féliciter d'avoir trouvé des accents si mâles et si francs ; il y
  a, ce me semble, un progrès encore sur votre Antée qui m'avait déjà frappé;
  l'épithète est plus sobre, rarement redoublée, ce qui est un signe d'absolue
  justesse ; j e regrette quelques mots d'un archaïsme inquiétant, mais en revanche


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     Napoléon Peyrat, mort en 1880, pasteur à Saint-Germain-en-Laye, est une figure
 imposante du protestantisme méridional. Il a laissé quelques beaux morceaux de
 poésie dans la forme de 1830, qui méritent d'être conservés.