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           HISTOIRE DU SENTIMENT DE LA NATURE                       51
 morale, celle de manifester le monde invisible, mais chacun dans
 un langage différent: ils ont nécessairement un grand nombre de
 lois conformes, mais ils ne sont pas une reproduction l'un de
 l'autre ; ils ne sont pas l'un à l'autre dans le rapport du modèle
 à la copie. L'art n'est pas une seconde nature moins parfaite et
 calquée sur la première; il n'est point une reproduction, une
 interprétation, une manifestation de la nature. La nature suffit
 à se manifester elle-même ; l'art est une manifestation particulière
 de l'invisible, il crée comme fait la nature d'après itn monde
 immatériel, un autre monde particulier destiné comme la nature
 à agir sur l'âme humaine à travers les sens. L'art ne copie donc
 pas la nature, mais il copie le même objet que la nature ; il copie
 l'invisible, il copie l'idéal. »
    Impossible de parler un langage philosophique plus clair, plus
 lumineux. Comment donc faut-il entendre l'imitation de la nature?
 Le but de l'art n'étant pas cette imitation, quel est-il ? Son but,
 c'est de manifester l'idéal : son moyen, c'est d'individualiser la
 forme autant qu'il est possible, en manifestant cet idéal. Telles
 sont en deux mots les règles pratiques que donne M. de Laprade
 comme conclusions forcées de son ouvrage, et qu'il développe dans
 ses dernières pages. On ne manquera pas de lire le magnifique
^chapitre àel'Idéal qui termine le livre et où le grand poète réitère
 l'énergique affirmation de sa foi spiritualiste.
     On pourra contesterquelques-unes des doctrines contenues dans
 ces Prolégomènes. Les principes que soutient avec une si claire
 et si saine philosophie le chantre de Pernette, ne sont pas faits
 pour plaire au matérialisme, à l'immonde sensualisme, comme il
 l'appelle quelque part dans ces pages. Mais le penseur, mais l'ar-
 tiste sérieux sera fier de voir relever si haut la dignité et la gran-
 deur de l'art, de ce qu'il y a de plus noble, après la sainteté, dans
 l'âme humaine.
     h'Histoire du sentiment de la nature demeurera un des beaux
 titres de gloire de M. de Laprade : et nous sommes heureux
 d'avoir pu lui dire ici avec quel sympathique empressement son
 livre a été accueilli par tous ceux de ses concitoyens qui s'inté-
 reesent aux choses de l'esprit et qui ont le culte respectueux de
 leur grand poète lyonnais              CHARLES L A V B N I R .