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L E T T R E S INÉDITES DU COMTE DE GAVOtJR 33 cordait avec les rêves audacieux de Rattazzi, chef éminent du centre gauche. Au printemps de 1852, la présidence delà Chambre devint vacante par la mort de Pier Dionigi Pinelli. Cavour conçut le projet de faire de Rattazzi le candidat ministériel à ce poste élevé. Il était alors ministre des finances, et jouissait, en cette qualité, d'une influence considérable. Mais il se heurta à la résistance opiniâtre, et peut-être même raisonnable du président du conseil, Massimo d'Azeglio. Déjà , en 1851, Ratazzi ayant été élu vice-pré- sident, et un journal ayant affirmé qu'il avait eu l'appui du minis- tère,Azeglio, piqué au vif, sans consulter Cavour,avait envoyé aux agents diplomatiques une note où il disait : « Votre bon sens a dû vous faire comprendre que la nouvelle donnée par Y Indépen- dance belge n'a aucun fondement. Mes principes sont connus. J'ai publié un petit ouvrage en 1849 contre les idées et les prin- cipes du ministère dont M. Ratazzi faisait partie. Il n'aurait pas été possible d'associer en quelque sorte ma politique à la sienne en lui prêtant mon concours. On devine, à lire ces lignes, combien la tentative de Cavour était aventureuse. Cependant d'Azeglio lui avait faitla partie belle, en acceptant dans la pratique des affaires, le concours des voix du centre gauche. Sans doute, au Sénat, sur une interpellation de Gallina, il avait répondu : « S'il y a des personnes qui, je ne dis pas par conversion (car elles ont la prétention de ne pas se con - vertir), mais qui, nous considérant comme un moindre mal, ou pour tout autre motif, nous offrent et nous donnent leur vote, cer- tainement nous ne pouvons ni ne devons le refuser. » Mais d'Azeglio aurait dû se rappeler qu'il faut tôt ou tard payer les alliances par- lementaires. Cavour, en sous-main, et par toute espèce de moyens, profita de la faiblesse de son collègue pour fortifier la candida- ture de Ratazzi. Le 11 mai, Ratazzi, au troisième tour de scru- tin, fut élu par 74 voix contre 65 données à Ruoncompagni. Ainsi le comte de Cavour ètaitarrivé à ses fins. Comme le disait le comte de Revel,au nom delà droite qui se sentait abandonnée, le ministre des finances avait essayé à la fois un divorce et un mariage (connubio), L'irritation d'Azeglio fut extrême. Il avait répété à satiété en plein Parlement, écrit sous toutes les formes aux ambassadeurs que le ministère n'était pas allé jusqu'au centre gauche, mais que le JANVIKR 1883 — T. V. 3