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          L E T T R E S INÉDITES DU COMTE DE GAVOUR                         31
le roi à secourir les révoltés de Milan et à entrer en campagne
contre l'Autriche. Il est vrai que Gavour avait osé écrire :
 « En présence des événements de Milan, quand l'heure de la
délivrance a sonné pour l'Italie, quand le peuple s'arme et se
 débat avec impatience contre l'étranger, ce serait une lâcheté que
de se laisser arrêter par les protestations de l'Angleterre : ce ne
serait pas une bonne et grande politique, mais une politique mes-
quine, qui, sans nous abriter contre les périls qui s'imposent,
couvrirait la nation d'ignominie, et ferait crouler le trône
antique de la monarchie de Savoie au milieu de l'indignation
des populations frémissantes. »
   Le roi obéit à cette flère sommation d'un patriotisme aussi pas-
sionné qu'éclairé. Dès ce jour, Gavour comprit mieux encore que la
monarchie de Savoie était intimement liée à l'Italie ; que pour
arriver àla délivrance, à l'unité, il fallait un centre à tant d'efforts ;
que le péril d'une tentative aussi hardie était la désagrégation
sociale, et que le pouvoir royal seul était assez puissant pour
contenir, à un moment donné, les masses populaires qu'il fallait
soulever pour obtenir la victoire, et apaiser ensuite, pour l'orga-
niser. Guerrazzi, en 1851, écrivait que « Mazzini voulait pousser le
roi à la guerre, pour attiser la République (sic) dans sa propre
maison ». Les forces révolutionnaires sont des armes dangereuses :
elles blessent la main qui les emploie. La crainte du parti républi-
cain retenait Charles Albert ; ce roi, au cœur généreux, se rendait
bien compte que le peuple ne lui saurait jamais gré de son dévoue-
ment^ la cause du pays, affolé qu'il était par les excitations démago-
giques. Il disait un jour avec tristesse: « Quoiqueje fasse, les Italiens
ne me croiront jamais : le roi d'Italie sera monfilsVictor. » Gavour
connaissait ces angoisses et ces hésitations si naturelles. Aussi
quand le roi prit le parti qui lui était conseillé, Gavour sut gré à ce
prince de son abnégation, et il paya plus tard au fils à force de
glorieux succès, le prix du sacrifice qu'avait fait le père. Dès ce
jour, il devint aussi un adversaire intraitable dupartirepublicain.il
le considéra comme l'ennemi né du bon ordre et d'un gouvernement
 régulier. Il comprit que le malheur de sa patrie accompagnerait le

  i Voir un article de S. Furali dans la Nuova Antologia, fasc. XI, 1873,