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locales une foule de survivances qui ont leurs racines profondes dans les
pratiques religieuses de nos ancêtres gaulois. Il n'y a qu'un demi-siècle, les
Beaujolais croyaient encore à l'existence de Fées, dames blanches et dames
noires qui erraient nuitamment à travers les bruyères d'Avenas et les taillis
de Rochefort ; pareilles aux ombres pâles de l'Erèbe gréco-romain, elles se
pressaient autour des tombes fraîches et se gorgeaient de sang. Malheur aux
voyageurs imprudents qui s'égaraient la nuit dans la solitude de la monta-
gne et tombaient entre leurs mains glacées : ils étaient perdus à tout jamais
et ils allaient infailliblement grossir le nombre de ceux qui ne sont plus. On
croyait aussi à l'existence d'un mauvais génie, le Colas, sorte de satyre ailé,
la terreur des bergères ; aujourd'hui encore, quand en hiver toute la mai-
sonnée est groupée en demi-cercle autour du feu de sarments, qu'on entend
au dehors la bise gémir sur les toits et les girouettes grincer, les « vieux »
disent gravement, pour effrayer les enfants : « C'est le Colas qui accourse1
la Berthe ».
       Enfin, il n'y a pas un siècle, on croyait dur comme fer à la vertu magi-
que de certaines eaux et l'on y venait de Bresse en pèlerinage. Monsols
aussi, sur la Grosne occidentale, avait des eaux puissamment curatives : la
fameuse source du Saint-Rigaud guérissait, du moins on le prétendait, la
stérilité des femmes. Toutes ces croyances, transmises par la tradition
orale, sont en voie de disparition quand ce n'est pas chose faite ; beaucoup
d'entre elles sont déjà lettre morte et seule la tradition écrite peut en rendre
compte.
                                                     a
     L'apparition du christianisme en Gaule, au 11e siècle de notre ère, fut
un événement capital ; il supplanta l'ancienne religion décrépie qui croulait
de toutes parts. On ne saurait dire exactement à quelle date il se répandit
dans le Beaujolais. Ce qu'il y a de sûr, c'est que, dès le vn e siècle, peut-être
dès la fin du VIe, des monastères s'édifièrent dans le pays. Au col du Fût, en
un lieu qu'on appelait Pelage, près de la voie romaine, s'éleva un couvent de
moniales qui eut bientôt un sort cruel : en 725 ou 731, les Sarrasins envahi-
     1. Accourser : poursuivre à la course. Ce joli mot patois était très usité au moyen âge et il a disparu
fort malheureusement du français moderne où il n'a pas d'équivalent.