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puissent intéresser la Compagnie, je vous prie de les lui communiquer en l'assurant de
mon zèle et de mon respect. Je ne tire encore de ces expériences aucune conséquence,
mais je crois qu'elles mènent à douter de la doctrine des différentes réfrangibilités,
car dans l'expérience 6 les couleurs ne semblent venir que de la décomposition des
rayons aux angles du prisme, comme à la rencontre d'un corps opaque dans l'expé-
rience 7. Il paroit qu'en Angleterre on abandonne la théorie newtonienne, et qu'est-ce
 (sic) qui l'abandonne i Les premiers physiciens du pays, c'est ce que nous a assuré
un de nos confrères en pleine Académie, et cela d'après les plus habiles gens d'An-
gleterre qu'il avoit visité (sic). Je vois qu'en France nous voulons au moins, si nous
l'abandonnons, le faire après un mûr examen, et nous avons raison. Si le Père Castel
avoit eu pour lui plus de faits et des faits mieux prouvés, peut-être la doctrine newto-
nienne eût-elle fait moins de progrès. Au reste, que Newton se soit trompé, ou non,
il n'en sera pas moins un homme immortel, comme, que j'aie tort ou non, je n'en
suis pas moins avec respect, Monsieur et très honoré Confrère, votre très humble
et très obéissant serviteur. [Signé] : Gourdin ».

      Si le lecteur veut bien se donner la peine de relire cette lettre et d'en
peser tous les termes, il en reconnaîtra l'habileté astucieuse. En effet, un
concours était, à ce moment même, ouvert par l'Académie de Lyon, dans
les circonstances bizarres que je raconterai plus loin, précisément sur cette
question de la différente réfrangibilité des rayons du spectre, concours
auquel Marat avait envoyé deux mémoires et dont il espérait bien être pro-
clamé lauréat. Mais, pour cela, il fallait, sous une forme anodine et détour-
née, préparer les membres de l'Académie lyonnaise à cette idée, soutenue
par Marat, que la théorie de Newton était fausse et battue en brèche par lui
en compagnie de grands physiciens! Dom Gourdin, par sa lettre très
adroitement rédigée, se chargeait opportunément de ce soin ! Et La Tour-
rette, invité à la communiquer à ses confrères, faisait ainsi, sans le savoir,
le jeu de Gourdin et de Marat ! L'Académie de Lyon, heureusement, ne se
laissa pas prendre au piège ; mais n'anticipons pas, car je n'en ai pas encore
terminé en ce qui concerne la comédie qui se jouait à Rouen.
     En effet, Dom Gourdin n'osa pas ou ne voulut pas reprendre les 300
livres qu'il avait offertes à l'Académie de Rouen et que le lauréat (De
Longchamp-Marat) lui abandonnait. Mais cet abandon, si désintéressé en
apparence, ne l'était pas en réalité, car il n'avait pour but que de permettre
au « généreux académicien » de fonder encore un autre prix sans délier à
nouveau sa bourse, et à lui, Marat, d'être encore une fois lauréat ! Et c'est