Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                  — 322 —

rarement remarqué, dit-il, que quelqu'un ait été plus mal servi parce qu'il
était pauvre ou parce qu'il consommait moins que d'autres. Au contraire,
fort souvent, surtout à la campagne, la bonté d'âme des Français le dédom-
mage des rigueurs du sort ».
      C'est, à notre avis, un singulier honneur pour Lyon que d'avoir ins-
piré par les qualités aimables de sa population la page suivante qui, éten-
dant à la France entière des observations faites dans notre ville, est un des
plus beaux hommages qu'un étranger ait jamais rendus à notre pays. Que
ce jugement soit celui d'un jeune homme de 23 ans un peu ecervelé et
fêtard, cela ne lui enlève rien de sa valeur ; il a, au contraire, de ce fait,
une spontanéité, une fraîcheur, une sincérité qui manquent trop souvent
aux considérations de doctes historiens.
      « En général, écrit Pûckler, si l'on examine impartialement et de près
les Français, ces maîtres du monde, on ne saurait assez s'étonner de la
modestie, de la politesse, de la modération que cette nation, prise dans son
ensemble, a gardées à un degré toujours égal, après avoir soumis la plus
grande partie de l'Europe, après toutes ses éclatantes victoires. Qui aurait
pu supporter la grossière insolence des Allemands, s'ils s'étaient trouvés
dans la situation des Français, ou quel n'aurait pas été notre triste sort, si
les Scythes sauvages avaient été vainqueurs ! Quelque irréfléchi que tel ou
tel Français puisse être dans sa conversation, je n'en ai jamais cependant vu
un seul qui, à moins d'avoir été préalablement excité avec intention, ait fait
sentir à un étranger par telle ou telle expression ou par une attitude hautai-
ne l'humble dépendance où nous sommes vis-à-vis de son pays ; au con-
traire, on se fait d'ordinaire un devoir d'excuser et de mettre à part pour la
louer, si possible, la nation à laquelle appartient l'étranger, l'interlocuteur
du moment. Un observateur équitable ne pourra certainement pas refuser
aux Français un haut degré d'amabilité et de bonté, aussi longtemps qu'on
n'irrite pas de force leurs passions. Rien que cette inoffensive gaieté qui est
un des traits saillants de leur caractère national témoigne, selon moi, d'un
tempérament moins dénaturé, plus bienveillant que ne l'est par exemple la
lourde grossièreté des Anglais, l'orgueil ridicule des Russes qui s'allie à un
bas servilisme, la misérable platitude des Allemands. En outre, leur com-
plaisance extraordinaire, dégagée de tout mobile intéressé, dont nous avons