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 héros du poème des Nibelungen. Par son mariage avec une demoiselle de
 Callenberg, fille d'une Française, Olympe de la Tour du Pin, le comte de
Pùckler était devenu propriétaire d'un des plus vastes domaines d'Allema-
gne. La terre de Muskau, située dans la Haute-Lusace qui a fait jusqu'en
1815 partie du royaume de Saxe, couvrait une superficie de dix à onze milles
carrés, c'est-à-dire d'environ 550 kilomètres carrés, englobait Muskau,
ville de 3.000 habitants, et 45 villages. Depuis les temps les plus reculés du
moyen âge, un château, qui avait un moment appartenu à l'empereur
Rodolphe II, dominait cette miniature d'Etat. Les possesseurs de la sei-
gneurie exerçaient cette espèce de pouvoir féodal qui s'appelait la Standes-
herrschaft ; ils levaient des contributions, nommaient les fonctionnaires
publics, avaient leur tribunal, leur police, et présidaient les assemblées des
Etats, Staende. Ils appelaient les habitants de la ville et des villages leurs
« sujets ». Des ressources considérables leur étaient fournies par de grandes
étendues de forêts, par des gisements d'alun, des sources minérales, et par
des industries diverses, forges, verrerie, brasserie, moulin.
      Hermann, le futur héritier de cette souveraineté et de ces richesses,
eut une enfance et une adolescence difficiles. Placé entre un père morose et
une mère enjouée qui divorcèrent, confié à des précepteurs négligents ou
débauchés, puis aux mystiques frères moraves qui tenaient la maison d'édu-
cation d'Uhyst, il vint, âgé de seize ans, à l'Université de Leipzig. Entraîné
par son précepteur, il fréquenta beaucoup plus les tripots et les mauvais
lieux que les cours de droit et fit de grosses dettes, excitant ainsi la colère de
son père qui était aussi avare que grincheux. Il quitta Leipzig pour Dresde
où il prit du service au régiment des gardes du corps avec le grade de
lieutenant. La vie à grandes guides recommença de plus belle, menée avec
une frénésie de casse-cou. Beau garçon, de haute taille, de tournure svelte,
Hermann devint le lion du jour de la capitale saxonne. Ses prouesses de
cavalier l'entouraient d'une auréole ; son adresse au pistolet fermait la
bouche des malintentionnés ; il avait des succès comme acteur. Ses excen-
tricités et ses farces mettaient la ville en émoi. On raconte qu'un dimanche,
comme les promeneurs étaient nombreux sur le pont de l'Elbe et la terrasse
de Bruhl, Pûckler, monté sur un cheval magnifique, fendit la foule, s'élança
du haut du pont dans lefleuveet gagna la rive à la nage, sain et sauf.