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— 314 — héros du poème des Nibelungen. Par son mariage avec une demoiselle de Callenberg, fille d'une Française, Olympe de la Tour du Pin, le comte de Pùckler était devenu propriétaire d'un des plus vastes domaines d'Allema- gne. La terre de Muskau, située dans la Haute-Lusace qui a fait jusqu'en 1815 partie du royaume de Saxe, couvrait une superficie de dix à onze milles carrés, c'est-à -dire d'environ 550 kilomètres carrés, englobait Muskau, ville de 3.000 habitants, et 45 villages. Depuis les temps les plus reculés du moyen âge, un château, qui avait un moment appartenu à l'empereur Rodolphe II, dominait cette miniature d'Etat. Les possesseurs de la sei- gneurie exerçaient cette espèce de pouvoir féodal qui s'appelait la Standes- herrschaft ; ils levaient des contributions, nommaient les fonctionnaires publics, avaient leur tribunal, leur police, et présidaient les assemblées des Etats, Staende. Ils appelaient les habitants de la ville et des villages leurs « sujets ». Des ressources considérables leur étaient fournies par de grandes étendues de forêts, par des gisements d'alun, des sources minérales, et par des industries diverses, forges, verrerie, brasserie, moulin. Hermann, le futur héritier de cette souveraineté et de ces richesses, eut une enfance et une adolescence difficiles. Placé entre un père morose et une mère enjouée qui divorcèrent, confié à des précepteurs négligents ou débauchés, puis aux mystiques frères moraves qui tenaient la maison d'édu- cation d'Uhyst, il vint, âgé de seize ans, à l'Université de Leipzig. Entraîné par son précepteur, il fréquenta beaucoup plus les tripots et les mauvais lieux que les cours de droit et fit de grosses dettes, excitant ainsi la colère de son père qui était aussi avare que grincheux. Il quitta Leipzig pour Dresde où il prit du service au régiment des gardes du corps avec le grade de lieutenant. La vie à grandes guides recommença de plus belle, menée avec une frénésie de casse-cou. Beau garçon, de haute taille, de tournure svelte, Hermann devint le lion du jour de la capitale saxonne. Ses prouesses de cavalier l'entouraient d'une auréole ; son adresse au pistolet fermait la bouche des malintentionnés ; il avait des succès comme acteur. Ses excen- tricités et ses farces mettaient la ville en émoi. On raconte qu'un dimanche, comme les promeneurs étaient nombreux sur le pont de l'Elbe et la terrasse de Bruhl, Pûckler, monté sur un cheval magnifique, fendit la foule, s'élança du haut du pont dans lefleuveet gagna la rive à la nage, sain et sauf.