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 suffiraient à une réhabilitation, que plus d'un exemple rendait probable, et
 rendraient à la pécheresse une innocence incorruptible? La réponse est
 difficile à déduire d'un examen où les confidences font défaut ; mais l'hon-
 nêteté rigide, l'affection vraie, le bon sens parlèrent par la bouche du comte
 de Caraman, de ce vieillard représentant un passé d'intégrité sans tache et
 sans forfaiture, de ce père plus soucieux de la dignité de sa race, de la pureté
 de son sang, de l'honneur de son nom, qu'ému par les instances et les pleurs
 d'un névrosé débile ensorcelé par une débauchée. Il refusa net son consen-
 tement à un pareil mariage ; il déclara que si l'on passait outre on serait
 réduit à lui envoyer des sommations légales.
       Sa conscience chrétienne parlait dans cette circonstance aussi ferme
 que ses principes de gentilhomme, car si l'union, qui avait été contractée
 avec Lambert Tallien, exclusivement devant le magistrat laïque, avait été
 légalement dissoute par la sentence de divorce, publiée six ans plus tard,
 Thérésia Cabarrus demeurait néanmoins entièrement sujette de son pre-
 mier mariage contracté, le 28 février 1788, avec Jacques Devin de Fontenay
 et très légitimement béni, après les bans annoncés et les formalités requises,
 par le curé de Saint-Louis en l'Ile. Le divorce enregistré au tribunal de la
 Gironde, le départ du mari pour la Martinique, son silence, depuis que les
 diamants de la corbeille lui avaient été restitués, ne modifiaient en rien le
 code religieux, le droit canonique ; ils n'atteignaient pas l'indissolubilité du
 sacrement. On conçoit alors qu'il ait répugné à M. de Caraman d'agréer
 pour belle-fille une personne qui ne pouvait pas l'être, à laquelle ce titre
 était interdit par l'autorité la plus sacrée de l'Eglise et de Dieu. Mais ses
 objections, ses refus, ses reproches n'eurent aucun effet. La proie était
 enveloppée dans le filet qu'on lui avait jeté ; nulle main ne fut assez habile
 pour en dénouer les mailles étroites,nulle dent assez incisive pour les ronger.
       Les nouveaux époux, après leur passage à la mairie, tentèrent quelques
 visites officielles imposées par l'usage et les convenances ; l'accueil qu'ils
reçurent fut partout assez glacial ; de Norvins nous raconte dans ses
Mémoires qu'il entrevit le couple chez Madame de la Briche, « excellente
personne dont le bonheur n'a jamais pu se débarrasser » ; il s'y rencontra en
même temps qu'eux avec le comte et la comtesse Charles de Noailles, celui-
là fils de la princesse de Poix, celle-ci fille de Laborde, le banquier de la