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            COMMENT ON FAIT LES LOIS
      Lorsqu'on étudie les constitutions des divers pays, on ne manque
 point de trouver dans les livres de droit ce dicton anglais très ancien : « Le
Parlement anglais peut tout, sauf faire un homme d'une femme ». C'est un
grand pouvoir que celui qui ne connaît que cette limite. Et en vérité on ne
peut guère s'étonner qu'il ne puisse la franchir. D'autant qu'on n'en voit
peu l'utilité, au moins générale.
      J'ai l'intention de vous montrer le Parlement français dans sa fonction
essentielle qui est de formuler la loi, rôle qui n'énonce nulle orgueilleuse
affirmation, qu'il remplit aussi bien qu'un autre, et avec des méthodes qu'il
est intéressant de connaître.
      On raconte qu'à la Chambre des Pairs une proposition fut faite, jadis,
de placer derrière le fauteuil du président, face à l'assemblée, un grand
crucifix. Une discussion s'établit. Beugnot, qui n'était point suspect, la fit
tourner court : ne demanda-t-il point qu'en outre une inscription mît
constamment devant les yeux des parlementaires, en grosses lettres d'or,
une des dernières paroles du Christ : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne
savent pas ce qu'ils font ». C'est une boutade qu'avec moins d'esprit et
d'à-propos on entend répéter depuis.
      Peut-être à cette époque était-elle justifiée. N'est-ce point Chateau-
briand siégeant à la Cour des Pairs, qui, dans les Mémoires d'outre-tombe,
fait de celle-ci, durant un de ses discours, le croquis suivant : « Le premier
rang des fauteuils, tout près de la tribune, était rempli de respectables pairs
plus sourds les uns que les autres, la tête penchée en avant et tenant à
l'oreille un cornet dont l'embouchure était dirigée contre les tribunes. Il les
endormit, ce qui est bien naturel. Un d'eux laissa tomber son cornet ; son

Rev. Lyon., III, m                                                        2