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247 - L'ÉGLISE DE SAINT-SORLIN Combien il est désirable que soit suscité, au plus tôt, dans notre région lyonnaise, un vif mouvement d'opinion en faveur de la conservation attentive, de l'entretien intelligent des vestiges pittoresques du passé. L'activité officielle des institutions déjà créées pour veiller sur nos richesses historiques est impuissante à préserver de la destruction tout ce qui, dans notre région, mérite d'être conservé. Elle ne va d'ailleurs qu'aux gros morceaux, aux choses d'importance qui ont conquis plus ou moins facile- ment l'attention publique : les cathédrales moyenâgeuses, les églises romanes, les constructions gallo-romaines, les murailles fortes des grandes cités, les hôtels de ville, les châteaux historiques, etc. Mais il est une foule de restes du passé, dont la valeur historique est pourtant notable, qui sont abandonnés à une lente destruction : ruines de châteaux-forts, tumulus préhistoriques, anciennes maisons de villages, vieilles églises de campagne, vieux petits ponts gothiques, tours isolées, etc. Il faudrait, pour ces restes historiques « non classés » des efforts spontanés de protection, qu'ils soient individuels ou collectifs, fruits naturels d'une opinion ambiante favorable. Tout auprès de l'église romane de Champagne, dans l'Ardèche — église classée monument historique, réparée et entretenue comme telle — on voyait naguère un vieux petit pont en pierre franchissant, en demi-cercle, à côté de la route, un clair ruisseau. Le coin était charmant. Les nombreux visiteurs de l'église de Champagne l'admiraient en passant et beaucoup le photographiaient. L'eau du ruisseau gazouillait et miroitait entre des roches moussues, les bords se veloutaient d'un vert gazon, le ponceau semblait un ruban de pierre soulevé par le vent, de beaux noyers ombra- geaient le paysage que bornait un vieux pan de muraille. Une pioche stupide a jeté bas cette jolie petite chose du passé. Une ambiance de pensée cultivée aurait dû la proté- ger.