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 digne Mère, qui était ardente et qui avait plus de soin de son âme que de tout autre
 chose, répondit promptement : « Moi, s'il vous plaît, mon Père, mon cœur a grand
 besoin d'être revu de vous ». Ce Bienheureux qui était sur la fin de son entière
 consommation, ne voulant ni ne désirant plus rien, voyant un peu d'empresse-
 ment, quoique spirituel, en celle qu'il voulait toute parfaite, lui dit suavement mais
 avec grande gravité : « Eh ! quoi, ma Mère, avez-vous encore des désirs empressés et
 du choix i Je vous croyais tout angélique ». Et là-dessus, connaissant bien que notre
 digne Mère était de ces âmes parfaites dont parle saint Bernard, qui n'ont pas besoin
 de direction, Dieu étant lui-même leur guide : « Ma Mère, lui dit-il, nous parlerons de
 nous-mêmes à Annecy, maintenant, achevons les affaires de notre congrégation ».
 Oh ! ajouta-t-il, que je l'aime notre petit institut parce que Dieu est beaucoup aimé
 en icelui ! ». Notre digne Mère, sans dire un mot de réplique, serra le mémoire qu'elle
 avait préparé pour parler par ordre de ce qui s'était passé en son âme en ces trois ans
 et demi d'absence ; elle déplia ceux qu'elle avait faits des affaires de l'Institut ; et ces
deux saintes âmes furent quatre grandes heures à conférer et résoudre diverses choses
pour le bien de l'Institut, que l'on devait mettre au Coutumier ; surtout notre Bien-
heureux Père arrêta qu'il ne fallait plus écouter de propositions pour nous ranger sous
un chef de général ni de générale, que plus il priait et plus Dieu lui faisait connaître
que c'était sa volonté que l'Institut demeurât simplement et uniquement à la conduite
du Saint-Siège et de Messeigneurs les évêques aux diocèses desquels nous serions
établies, « car voyez-vous, dit ce Bienheureux, nos filles, ce sont les filles du clergé ».
      « Après cet entretien de quatre heures, ce Bienheureux commanda à notre digne
Mère d'aller à Grenoble visiter nos Soeurs, et s'il se pouvait à Valence, et s'en retour-
ner par Belley qu'ainsi elle aurait vu toutes les maisons qui étaient pour lors établies ;
lui ordonna de passer à Chambéry, de visiter une maison pour nous y établir, et voir à
Rumily les Bernardines, qui, sous la conduite de ce Bienheureux, commençaient leur
réforme. Elle partit ainsi de Lyon avec la bénédiction de ce Bienheureux prélat qu'elle
espérait revoir bientôt à Annecy, et s'en alla de notre monastère de Grenoble. Etant en
chemin, il lui prit une grande tristesse et serrement de cœur de ce que notre Bien-
heureux Père ne lui avait pas voulu permettre de lui parler de son intérieur ; mais sans
vouloir réfléchir sur elle-même ni gloser sur ce qu'avait fait son supérieur, elle fit un
acte d'abandonnement d'elle-même à la divine volonté et, prenant son livre de
psaumes, elle se mit à chanter dans la litière le psalme 26 : « Dominus illuminatio mea,
répétant diverses fois ce verset : Quoniam pater meus et mater mea derelinquerunt me,
Dominus autem assumpsit me. Avec ce remède, elle se guérit et c'était son ordinaire
remède dans ses maux intérieurs que l'abandonnement d'elle-même en Dieu et
quelques versets de l'Ecriture Sainte. »
      Quand on sait combien les dernières années de sainte Chantai furent douloureu-
ses, combien son âme souffrit un terrible et mystique martyre dans les ténèbres de la
nuit obscure, sans pouvoir trouver un guide qui l'éclairé ou même une confidente qui
la comprenne, on admire la direction en apparence si dure de saint François. Une
poignante mélancolie se dégage alors de ces simples lignes de l'admirable annaliste, on