page suivante »
— 237 digne Mère, qui était ardente et qui avait plus de soin de son âme que de tout autre chose, répondit promptement : « Moi, s'il vous plaît, mon Père, mon cœur a grand besoin d'être revu de vous ». Ce Bienheureux qui était sur la fin de son entière consommation, ne voulant ni ne désirant plus rien, voyant un peu d'empresse- ment, quoique spirituel, en celle qu'il voulait toute parfaite, lui dit suavement mais avec grande gravité : « Eh ! quoi, ma Mère, avez-vous encore des désirs empressés et du choix i Je vous croyais tout angélique ». Et là -dessus, connaissant bien que notre digne Mère était de ces âmes parfaites dont parle saint Bernard, qui n'ont pas besoin de direction, Dieu étant lui-même leur guide : « Ma Mère, lui dit-il, nous parlerons de nous-mêmes à Annecy, maintenant, achevons les affaires de notre congrégation ». Oh ! ajouta-t-il, que je l'aime notre petit institut parce que Dieu est beaucoup aimé en icelui ! ». Notre digne Mère, sans dire un mot de réplique, serra le mémoire qu'elle avait préparé pour parler par ordre de ce qui s'était passé en son âme en ces trois ans et demi d'absence ; elle déplia ceux qu'elle avait faits des affaires de l'Institut ; et ces deux saintes âmes furent quatre grandes heures à conférer et résoudre diverses choses pour le bien de l'Institut, que l'on devait mettre au Coutumier ; surtout notre Bien- heureux Père arrêta qu'il ne fallait plus écouter de propositions pour nous ranger sous un chef de général ni de générale, que plus il priait et plus Dieu lui faisait connaître que c'était sa volonté que l'Institut demeurât simplement et uniquement à la conduite du Saint-Siège et de Messeigneurs les évêques aux diocèses desquels nous serions établies, « car voyez-vous, dit ce Bienheureux, nos filles, ce sont les filles du clergé ». « Après cet entretien de quatre heures, ce Bienheureux commanda à notre digne Mère d'aller à Grenoble visiter nos Soeurs, et s'il se pouvait à Valence, et s'en retour- ner par Belley qu'ainsi elle aurait vu toutes les maisons qui étaient pour lors établies ; lui ordonna de passer à Chambéry, de visiter une maison pour nous y établir, et voir à Rumily les Bernardines, qui, sous la conduite de ce Bienheureux, commençaient leur réforme. Elle partit ainsi de Lyon avec la bénédiction de ce Bienheureux prélat qu'elle espérait revoir bientôt à Annecy, et s'en alla de notre monastère de Grenoble. Etant en chemin, il lui prit une grande tristesse et serrement de cœur de ce que notre Bien- heureux Père ne lui avait pas voulu permettre de lui parler de son intérieur ; mais sans vouloir réfléchir sur elle-même ni gloser sur ce qu'avait fait son supérieur, elle fit un acte d'abandonnement d'elle-même à la divine volonté et, prenant son livre de psaumes, elle se mit à chanter dans la litière le psalme 26 : « Dominus illuminatio mea, répétant diverses fois ce verset : Quoniam pater meus et mater mea derelinquerunt me, Dominus autem assumpsit me. Avec ce remède, elle se guérit et c'était son ordinaire remède dans ses maux intérieurs que l'abandonnement d'elle-même en Dieu et quelques versets de l'Ecriture Sainte. » Quand on sait combien les dernières années de sainte Chantai furent douloureu- ses, combien son âme souffrit un terrible et mystique martyre dans les ténèbres de la nuit obscure, sans pouvoir trouver un guide qui l'éclairé ou même une confidente qui la comprenne, on admire la direction en apparence si dure de saint François. Une poignante mélancolie se dégage alors de ces simples lignes de l'admirable annaliste, on