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l'âme du roi était sauvée. Elle fut logée avec sa compagne au monastère de la Visitation
de Bellecour. Or il se trouve dans la déposition de sainte Chantai pour le procès de
béatification de saint François, un passage qui peut-être s'applique à elle : « Une
grande servante de Dieu m'a assuré que le révérend Père Coton, jésuite, personnage
si extraordinairement signalé en piété, pariant à elle, lui avait dit qu'il ne se tenait
point parfaitement assuré d'une âme qui est conduite par des voies extraordinaires,
laquelle était en sa charge, bien que lui et plusieurs autres serviteurs de Dieu en
fissent bon jugement, qu'il n'en eut l'avis et le témoignage de notre Bienheureux avec
lequel ce grand père Coton avait tant et tant de fois désiré de conférer ».
      « On reconnaissait étant à Lyon, écrit Longueterre dans sa Vie de très illustre
messire François de Sales parue dès 1624, qu'il était déjà incommodé, il avait la moitié
du visage abattu, l'œil plus enfoncé et moins vif. La multitude des personnes qui le
venait voir ne l'avait point empêché de connaître et de discerner un chacun, mais tout
d'un coup il perdit ce souvenir et Monsieur de Chanteloube qui, nouvellement, avait
quitté le monde pour rentrer aux R. P. de l'Oratoire, ayant été conduit par son supé-
rieur pour le voir, à peine put-il discerner ce qu'on ne pouvait empêcher de rendre à la
qualité de sa naissance et à la gloire de ce coup généreux qu'il venait de faire au milieu
de ses prospérités et de la bienveillance que lui accordait la grande reine du monde...
      Ce fut alors que Madame de Chantai eut avec saint François de Sales un suprême
entretien. C'est le plus bel épisode de mon sujet, aussi est-il nécessaire que je vous
donne quelques explications qui vous permettront de goûter pleinement le beau récit
que nous en a laissé la Mère de Chaugy dans ses mémoires sur la vie de la sainte et
dont elle devait tenir les détails de la fondatrice de la Visitation elle-même. Il forme
comme le couronnement du long travail de direction du Bienheureux évêque sur
l'âme héroïque et tendre de Madame de Chantai, il est une dernière leçon d'abandon
totale à la Providence divine.
      Saint François, en 1613, écrivait à la pieuse baronne : « Je travaille à votre livre IX
de l'Amour de Dieu et aujourd'hui, priant devant mon crucifix, Dieu m'a fait voir
votre âme et votre état par la comparaison d'un excellent musicien ». La sainte, de son
 côté, disait après la mort du pieux auteur, dans une lettre adressée à l'un de ses pre-
 miers biographes : « Si votre Révérence veut voir clairement l'état de cette très sainte
 âme, qu'elle lise les trois ou quatre derniers chapitres du IX livre de l'Amour Divin ».
 Cet ingénieux rapprochement indiqué par le dernier historien de sainte Chantai, nous
 montre bien qu'un même élan mystique vers un parfait et amoureux abandon à Dieu,
 soulevait ces deux âmes, car ces derniers chapitres ont pour sujet l'indifférence et le
 trépas de notre propre volonté, ainsi que le dépouillement parfait de l'âme unie à la
 volonté de Dieu.
      Ce fut toujours par cette voie royale de la Croix que ce directeur, que d'aucuns
 trouvent encore doucereux, conduisit les âmes qui lui furent confiées. Il n'y a pour
 s'en convaincre qu'à relire ses lettres où certaines recherches style et des images un
 peu mièvres ne servent plus de voile, comme dans ses traités, à la crucifiante doctrine.
      « J'aime, écrivait saint François, les âmes indépendantes, vigoureuses, et qui ne