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de la vengeance. Ces malheureux, je crois que la plupart sont plus égarés
que coupables. Après la victoire, j'espère que la clémence aura son tour :
mais point de grâce pour les ennemis de la République, pour ceux qui
rêvaient une royauté nouvelle. Pour ceux-là, l'exil ».
      Les espérances que de fermes républicains, comme Bergier, avaient
mis en la Révolution, vont bientôt s'évanouir. Ses craintes et ses désillusions
font l'objet de ses notes jusqu'à la fin de 1848 et aussi de sa corres-
pondance avec ses amis de Lyon. Nous n'avons point celle-ci, mais
nous possédons leurs réponses qu'il recevait. L'une est pleine d'obser-
vations qui nous paraissent dignes d'être données comme conclusion de
cette petite étude.
      « Qu'a-t-on fait pour cette liberté vraie dont la France avait soif? Vous
souvient-il qu'aux premiers jours de mars, ceux, qu'au comité exécutif,
nous appelions les exaltés, s'écriaient à tout propos qu'on escamotait la
Révolution! Notre conscience d'honnête homme nous disait que cela
n'était pas possible, qu'on n'oserait, et notre devoir, en nous mêlant à eux,
semblait être de les dissuader, de les ramener à des idées plus calmes. Nous
l'avons fait, et, quinze jours après, nous dénoncions à notre tour les menées
de la réaction qui s'élevait insolente et nous jetait, à nous, qui pouvons
revendiquer en partie l'honneur d'avoir empêché que Lyon ne fût ensan-
glanté, les plus outrageantes apostrophes.
      « Les exaltés avaient raison. Nous avions tort, nous tous qui pensions
qu'à son premier gonflement le flot révolutionnaire doit être comprimé.
Ce flot, mon cher Bergier, doit suivre la loi de sa formation et après avoir
chassé devant lui tout ce qui s'oppose à son mouvement, tout ce qui tend
à le détourner de sa ligne d'impulsion, il s'épanche calme et tranquille. Or,
pour ne prendre que Lyon pour exemple, qu'a-t-on fait pour la Révolu-
tion? Rien, rien, rien. Quels gages a-t-on donné aux républicains? Quelle
direction nouvelle aux administrations de toute espèce? Dans quelle
partie des services publics a-t-on pu remarquer l'instinct révolutionnaire ?
      « On s'est trompé, mon ami, sur le sens du mot révolution. Dieu
veuille que nous ne recevions pas bientôt une nouvelle leçon ».