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— n8 — A cette ambition légitime. Chanoine sacrifia toutes ses convictions, il « eut en dix ans trois opinions politiques bien différentes » ; il hurla avec les loups, glapit avec les chacals, imita ainsi toutes sortes d'animaux, au gré de ses convictions mal assurées et de ses intérêts parfaitement compris. Mais il l'eut son journal : ce fut d'abord le Salut public, puis le Progrès industriel, enfin le Progrès tout court, et cela mit le comble aux ambitions de cet homme tournoyant qui « tenait beaucoup moins à défendre des idées qu'à posséder une influence ». Le Progrès fut fondé en 1859 et son premier numéro parut le 12 décem- bre : Chanoine avait « son journal ». Mais il avait bien compris, ce légiti- miste libéral qui avait fait risette à la République, que sa personnalité secondaire resterait dans l'ombre tant que les vrais fondateurs du journal seraient là ; en un tournemain il mit tout le monde dehors, et il régna tout seul dès le commencement de 1864. Il régna, d'un existence un peu douteuse, tout juste une année. Sa punition fut peut-être cette note de l'administration policière de 1869, proférée contre son journal : « Feuille de l'Union démocratique, radicale pour le public, mais susceptible d'accommodements pour l'administra- tion » : je pense bien, ses rédacteurs étaient aux gages de la police impériale ! Il n'était pas tout seul, cet homme, en ce temps-là , à donner à ses pro- pres intérêts un rang de faveur ; même parmi les imprimeurs, il s'en trou- vait dont les manières d'agir n'étaient point exemptes de certaines criti- ques. J'ai retrouvé, dans une lettre écrite en 1854 à Bergeret par l'un des fourriers de l'impérialisme, de curieuses appréciations sur les imprimeurs de l'époque ; quinze ans de fréquentation du signataire dans les milieux de la librairie lyonnaise rendent ces réflexions tout à fait suggestives : Ayné fils, dit-il, ennemi du gouvernement, mais prudent et ne se compromettant pas ; Bajat, ennemi du gouvernement, républicain ; Dumoulin, homme peu connu ;