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« trie ». Trie, c'est un mot inventé par les ouvriers, « pour lequel et inconti-
nent après la prononciation d'icelluy, ils délaissent leur ouvraige pour faire
quelque débauche ».
     Les maîtres se défendent : « Il y en a d'aucuns des compagnons que
l'on ne peut contenter de nourriture, soit en vin ou pitance, et qui veulent
faire la fête d'un jour ouvrier, et besogner aux jours de fêtes » ; et ils
proposent, les patrons, de renoncer au système ancien de prestations ; de
payer désormais un salaire de dix sols six deniers par jour, moyennant quoi
les compagnons mangeraient à leur guise (Arch. Lyon, Délib. cons., BB 57,
f°2I0).
      Du tout, répondent les ouvriers, qui savent bien, les bons apôtres, que
s'ils « touchent » toute leur paie, au lieu de manger ils boiront — du tout,
« l'impression exige que l'on commence l'un quand l'autre à travailler ;
allant boire et manger hors la maison du maître, l'un viendrait tôt et l'autre
tard, et [ain]si leur serait donnée occasion d'eux débaucher, allant ainsi
vivre par tavernes ».
     Alors le Sénéchal de Lyon, Jehan du Peyrat, devant qui maîtres et
compagnons s'étaient retirés, rend, le 31 juillet, une longue sentence inter-
disant aux compagnons « de faire aucun serment ou monopole », leur défen-
dant de se réunir, de se coaliser et de se mettre en grève, sous peine de ban-
nissement et d'amendes arbitraires ; de porter bâtons, poignards ou épées ;
de menacer les apprentis ou de les battre, ni d'entraver la liberté de leur
travail. Mais le Sénéchal donnait gain de cause aux ouvriers sur plus d'un
point : Ils ont raison, disait-il aux maîtres ; « sans avoir égard aux usages qui
ont été suivis depuis quatre ou cinq ans en çà, vous leur donnerez, à chacun
suivant son rang, pain, vin et pitance, eu égard à ce que vos devanciers leur
fournissaient auparavant cinq ou six ans dernièrement passés, et j'ordonne
que le bureau de l'Aumône y tienne la main et veille à ce que cette nourri-
ture soit abondante et saine ».
     Elle est pleine d'enseignements cette sentence ; pour que la sénéchaus-
sée usât de tant de rigueur contre les maîtres-imprimeurs ; pour qu'une