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solidement fixées au mur par de forts madriers. Sous l'œil de Dieu — car
un grand Christ est là au mur — tout un petit monde s'agite : les composi-
teurs, assis devant leurs casses très basses, lèvent leurs lettres en échangeant
de joyeux devis ; très affairés, les pressiers tirent sur leurs barreaux, après
que le compagnon aux balles, d'un geste rapide et large de tambour-major,
a fait tournoyer ses tampons et « touché » sa forme par petits coups précipi-
tés pour y « distribuer » l'encre. Dans un coin obscur et sans air le correc-
teur, paria, multiplie ses lectures, pestant contre les typos ignorants qui le
font endêver tant qu'ils peuvent. Et sans cesse, au milieu de ce labeur, le
« patron » va, vient, s'enquiert, morigène ou complimente, distribuant à
tous bonne ou mauvaise humeur, à chacun selon son rang et selon son méri-
te ; et sans cesse, au milieu de ce labeur, vont et viennent aussi tous les
savants et doctes personnages pour qui tout ce monde-là travaille.
     Tel devait bien être l'atelier de Gryphius. Il est impossible de nier
qu'il fût un très grand imprimeur, et s'il est vrai, très vrai qu'« une faute
commise au début de sa carrière, peu après son mariage, le rendit inhabile à
suivre le cursus honorum de la cité », qui devait immanquablement le con-
duire au Rectorat de l'Aumône et au Consulat, on comprend moins que
l'on ait pu contester ce qu'a dit de lui Chevillier : que Gryphius fut l'« hon-
neur de l'Imprimerie lyonnaise ».

  i A cette époque et depuis déjà bien des années, l'industrie du Livre est,
à Lyon, singulièrement active. Non seulement les grandes foires amènent
au confluent les éditions de tous les grands centres d'imprimerie de l'Euro-
pe, mais un échange constant s'opère entre notre ville et les villes du
royaume où le commerce de la librairie a le plus d'activité. Les relations
avec Toulouse, surtout, sont particulièrement suivies. En 1510 s'était fon-
dée dans cette ville une association de libraires, à la tête de laquelle se
trouvait Jean de Clauso, de Toulouse. Jean Robion, libraire de Lyon, et
son confrère Jean Faure, qui était aussi imprimeur, furent les deux pre-
miers associés de J. de Clauso ; cette société avait pris le nom de « Compa-
gnie des Cinq-Plaies de Notre Seigneur Jésus-Christ », et elle avait fait