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pour échapper à la vindicte d'une Université implacable ! De Pierre de Vingle
à Jean de Tournes, combien s'exilèrent ainsi, qui ne furent point suppliciés
comme Etienne Dolet, ni traqués comme Robert Estienne ?
     Entre temps, d'ailleurs, les désordres et l'inconduite des compagnons
imprimeurs continuaient de plus belle ; le 13 juin 1523, Jacques Mareschal
l'imprimeur, quaternier du quartier de Thomassin, accourait au Consulat
pour se plaindre en son nom et au nom de ses voisins, de garde comme lui :
Nous faisions le serguet, dit-il, quand nous nous emparâmes « de ung
nommé Guillaume Sarron, imprimeur, qui pourtoit une épée, auec deux
garçons » ; mais, aussitôt, survint « le capitaine des imprimeurs nommé
Roberquin, accompaigne du petit Normand, Guillaume Charreton et autres
imprimeurs qui vindrent sur ledit serguet et leur osterent ledit Guillaume
Sarron, menasserent le serguet et se meirent en gros effort de le baptre » ; et
fut tant grande la frayeur des hommes du serguet qu'ils déclarèrent tout
net ne plus vouloir prendre la garde, « doubtant estre baptuz par les dits
capitayne et imprimeurs ».
     Tels étaient les cas pendables où les compagnons imprimeurs se four-
voyaient sans cesse, et il s'en fallut de bien peu que leur incorrigible rébel-
lion et leurs réclamations incessantes n'eussent, un peu plus tard, de très
graves conséquences.
     Un peu plus tard, c'est le temps de Rabelais, c'est cette époque extra-
ordinairement féconde pendant laquelle Lyon est un peu le centre intellec-
tuel de la France, avec ses presses innombrables, ses savants venus de tous
côtés pour y faire imprimer leurs ouvrages et qui, volontiers, servent de
correcteurs à leurs propres imprimeurs : c'est le temps de Rabelais. Venu à
Lyon depuis peu, il y avait débuté comme correcteur chez Gryphius ; un
peu médecin, il avait été nommé médecin à l'Hôpital du Pont du Rhône ;
beaucoup astrologue, aussitôt il songea à publier un Almanach, peut-être,
dit-on, à la demande de quelque libraire ; peut-être aussi pour « faire accep-
ter mieux les contes pantagruéliques pour l'esbatement de ses paoures
malades et soffreteux ».