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— jo — siècle, sert à distinguer les productions de ses pères. Mais Jeanne Giunta, aux mains de qui est restée la librairie, ne l'entend point ainsi ; elle pense, elle, que l'acte de Tinghi est un « double attentat contre ses droits et sa propriété », et elle demande au Présidial d'en décider ainsi. Et ainsi fut fait ; mais Tinghi, comme on dit, ne se tint pas pour battu. Ayant obtenu du roi, le 2 juin 1578, un privilège pour éditer une série d'ouvrages sous la marque de la fleur de lis, il en appela de la sentence de la sénéchaussée de Lyon et perdit son procès. Il s'enticha alors de faire échec aux décisions judiciaires en faisant dire aux Giunta de Venise et de Flo- rence que, Philippe Tinghi descendant en ligne directe de Philippe Giunta, dont les héritiers portaient en leurs armoiries et enseignes la fleur de lis florentine, il avait, lui Tinghi, seul le droit de porter « en ses enseignes, armoiries et impressions ladicte fleur de lis ». La destinée fut moins clé- mente à Tinghi, qui mourut peu de temps après. « A la fin du quinzième siècle et dans les six ou sept premières années du seizième, l'emploi des privilèges ne présentant pas grand avantage, les éditeurs n'avaient point recours à cette sauvegarde » ; aussi les contrefaçons et les démarquages étaient-ils monnaie courante ; Louis Martin, dit l'Espagnol, et son fils Olivier en usèrent avec une largesse royale, substituant leur nom à celui de leurs confrères, qui ne semblent pas, d'ail- leurs, s'en être autrement offusqués ni leur en avoir gardé rancune. Jean Huguetan, que sa haute situation devait mettre à l'abri de pratiques aussi douteuses, use de pareils procédés : en 1509, il « reproduit l'édition de Boèce imprimée en 1503 par Etienne Baland pour Simon Vincent», et comme Josse Bade, qui était correcteur chez Trechsel, son futur beau-père, avait revisé le livre de Boèce et mis une épître à l'adresse de Simon Vin- cent, J. Huguetan substitua tout simplement, dans l'épître de la nouvelle édition, son nom à celui de Simon Vincent, « qui avait lui-même plus ou moins pratiqué de semblables contrefaçons ». Pierre Maréchal et Barnabe Chaussard se rendirent coupables des mêmes fraudes, sur le même livre,