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       Je ne puis multiplier ici les doléances du vieux Manuce, qui ne fit
 grâce aux imprimeurs lyonnais, dont il ignorait le nom, de la moindre de
 leurs erreurs : dix ans durant sa vie fut empoisonnée par ces contrefaçons
 qui, de jour en jour, devenaient moins fautives, et dont quelques-unes
 sont « de beaucoup supérieures aux meilleures éditions aldines ».
       En 1510 ou à peu près prit fin la première série de ces imitations
 déloyales. A ce moment, Gabiano, qui en avait été le seul coupable, associa
 à son entreprise Barthélemi Trot, le libraire Trot, le besogneux facteur de
 Dobrisa Dobrié (Boninus de Boninis). Trot était à Lyon depuis 1491 ;
 marié en 1506 à la fille du bedeau de Saint-Nizier, il avait jusqu'ici, assidu
 des foires, fait seulement imprimer deux ou trois volumes par Janot de
 Campis, par Fradin ou par Claude d'Avost. A partir de 1512, son nom
s'attache à une deuxième série de contrefaçons aldines, dans lesquelles est
introduite une fleur de lys florentine rouge, qui imitait celle dont se ser-
vaient les Juntes ; Salluste, Quintillien, Horace, Juvénal, Lucain, Cicéron,
Virgile, tous les auteurs anciens, à nouveau passèrent, si j'ose dire, sous les
presses des imprimeurs lyonnais mises en Å“uvre par Trot, qui pour autant
n'en devint pas plus riche. Et quand, vers 1518, Gabiano mourut, Trot
continua à publier ses éditions à la fleur de lys florentine, sur lesquelles,
d'ailleurs, très honnêtement il faisait imprimer son nom.
      Jusqu'en 1529 continua cette concurrence, mais on a soupçonné que
Trot, en même temps qu'il contrefaisait ainsi les livres d'Aide Manuce,
« fit partie d'une autre compagnie dont le but était la contrefaçon des édi-
tions juntines, ou tout au moins l'emploi d'une marque identique à celle de
Luc-Antoine Junte de Venise, dont la renommée égalait celle des Aide ».

     Un demi-siècle plus tard, vers 1580, une autre « affaire de la fleur de lis
florentine » devait encore « tenir » la chronique judiciaire à Lyon. Petit-fils
du grand imprimeur florentin Philippe Giunta, Tinghi, qui est libraire à
Lyon et qui vient d'abandonner la direction de la librairie lyonnaise des
héritiers Giunta, s'avise que, en cette double qualité, il a bien le droit,
peut-être, d'adopter, lui aussi, la fleur de lis florentine qui, depuis près d'un