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ET AU LAC MAJEUR. 135 LETTRE VIIe ET DERNIÈRE. A M»" JOSÉPHINE P. l e 7 août 1850. Ce n'est pas sans raison, ma très-aimable sœur, que je t'ai réservé cette épilre: nous avons quitté la Suisse, ses monta- gnes, ses glaciers, ses rochers gigantesques, ses torrents so- nores et ses noirs sapins; déjà nous avons trouvé l'éternel azur du ciel, l'éblouissante lumière d'un soleil incomparable, et le vent, tout à l'heure encore chargé d'aigres et pénétran- tes froidures, doux zéphir, à présent, joue à travers les arbres mollement inclinés et caresse amoureusement les fleurs dont il nous apporte les délicieux parfums;... tu le vois bien, ma chère amie, cette lettre te revenait de droit:... quand on veut faire voyager les anges, il faut au moins que ce soit dans le paradis. Et cependant, c'est en courant, presqu'en dormant, que nous traversons cette vallée du Tessin : à peine jetons-nous un regard distrait, appesanti, sur des contrées dignes de toute notre attention, si nous n'avions élé rassasiés de voir et d'ad- mirer; aussi tout ce pays-la se présente-t-il à mes yeux comme le souvenir d'un songe à demi effacé.... Le Tessin roulant à nos côtés ses eaux bruyantes et pures ; les prairies verdoyantes, les sapins devenant plus rares; de grandes vi- gnes soutenues en l'air par une forêt de hautes pierres faisant office d'échalas; les portes des maisons et des granges ornées de peintures où un artiste de cabaret a barbouillé une Ma- done enluminée ou un saint à barbe blanche; puis, au milieu de cette nature nouvelle, de ce luxe delà terre se couvrant partout de verdure, de fruits et de fleurs, une autre végétation,