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136 UNE PROiMENADE EN SUISSE c'est le mol, de clochers, de flèches et d'églises-, voilà , ma chère amie, tout ce qui me reste d'une route de huit heures à travers une foule de villages dont je ne me suis pas même donné la peine de retenir les noms. Toutefois nous fîmes halle à Bellinzone, petite ville assez laide et fort sale, mais située dans la plus heureuse posi- tion, au milieu de riches prairies et entourée de collines fertiles sur lesquelles se dressent encore, sombres et crénelés, mais désormais inoffensifs, châteaux forts, citadelles, et autres in- ventions meurtrières dont la guerre avait muni son enceinte. L'hôtel où nous sommes descendus pour quelques heures, est l'ancien donjon des Visconti ; il composait seul jadis tout Bellinzone et garde, sans doute, au fond de ses souter- rains, le secret des histoires tragiques qui durent signaler la domination elle séjour des plus cruels tyrans du moyen âge : aujourd'hui, d'élégants belvédères s'élèvent sur ses tours dé- mantelées, et là où veillait la sentinelle, où peut-être fonc- tionna le bourreau, nous prenions, sous un berceau de chè- vre-feuilles, une tasse embaumée de café fumant. Pour nous rapprocher du lac Majeur nous allons coucher à Magadino où nous devions nous embarquer. Il était nuit clo- se, ou à peu près, quand nous y arrivâmes ; n'importe, nous courons sur le rivage^ et à travers le voile qui s'élève des eaux, et sur lequel glisse un faible rayon de la lune déjà sur son déclin, nos regards avides cherchent en vain à devi- ner le secret de ces rives encore dérobées à nos yeux par de jalouses ténèbres. Mais, dès le matin, quand une éblouissante aurore empourpre les collines humides et brillantes des pleurs de la rosée, nous montons sur un bateau a vapeur dont la coque légère se balance au souffle d'un vent doux et frais. Débarrassés du soin de nos malles, carions et autres croix du voyage, et déjà installés sous la tente dressée par des mains prévoyantes, nous nous préparions à contempler