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86                               CHRONIQUE LOCALK.
    Tout homme moins respectueux que le rédacteur de la Guzelle eût fait
justice du sermon : d'abord, parce qu'en se montrant dans le feuilleton
d'un journaliste, ce sermon perdait droit à l'inviolabilité que lui assure la
chaire ; ensuite parce qu'il attaquait tout et ne répondait â rien. M. Mayery
s'est contenté de faire voir qu'aucun de ses arguments n'avait été détruit, et
que sa critique subsistait tout entière. C'est aussi notre avis, sauf les dis-
tinctions que nous allons établir.
   Le dais, meuble tout oriental, n'eut, dans le principe, d'autre but que
celui d'abriter le prêtre contre les ardeurs du soleil ; c'était donc, quoi qu'on
ait pu dire, un véritableporasoL II remplaçait le flabellum, ou éventail, dont
le diacre se servait pendant le Saint-Sacrifice pour chasser les mouches, et
préserver le calice ainsi que cela se pratique eneore dans quelques églises,
notamment à Malte. Partant de cette donnée, on comprend le dais avec des
bâtons indépendants et mobiles, étalant au soleil des étoffes somptueuses,
légères, enrichies de broderies combinées avec toutes les ressources de l'art,
disposées avec ampleur et élégance (1).
   En adoptant, au contraire, le parti pris des bâtons soudés entre eux, le
dais se modifie ; il devient plus embarrassant, et pour peu que l'imagination,
secondée par un goût moins sévère, ajoute ou exagère les détails, on a tout
de suite un petit édifice, une arche portative. Que l'on compare nos dais
d'il y a cinquante ans avec ceux de facture moderne, on se rendra compte
delà progression. Mais, en adoptant cette modification du dais primitif, faut-
il, au moins, ne pas perdre de vue qu'en suivant les principes de l'art, le bois
doit toujours rester bois, l'étoffe toujours étoffe ; que la sculpture ne doit pas
prendre la place de l'ornementation, et que l'ornementation ne doit pas vi-
ser à d'autres effets qu'à ceux de l'ornement. S'est-on bien souvenu de ces
principes dans l'exécution du dais de Saint-Nizier ? Les peintures n'ont-elles
pas un peu l'aspect de lames de métal repoussé? Les motifs d'architecture
peuvent-ils remplacer sur une étoffe les rinceaux et les enroulements ? Nous
savons qu'à cet égard le crayon de l'artiste n'a pas été libre ; toutefois, il au-
rait dû être plus heureux dans le choix de ses modèles, et la preuve qu'il
le pouvait, c'est que les parties qui ont subi plus particulièrement le con-


  ( i ) Nous lisons dans le MANUEL D'ARCHÉOLOGIE M. de Jules Corblet :
  «Les anciens dais du XIII* siècle se composaient d'une pièce d'étoffe plus ou moins ajustée
sur des lances ou sur un châssis brisé , susceptible de se prêter à toutes les inégalités de lar-
geur de passage ; ils ont été remplacés, au XVII" siècle, par nos disgracieuses charpentes
tendues de velours. C'est souvent à cause de ces lourdes machines qui ne pouvaient point, en
raison de leur largeur, passer par la porte centrale, qu'on a détruit ces charmants trumeaux
qui les partageaient en deux ba]c^•. »