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                           BIBLIOGRAPHIE.                             321
ans. 11 y a là plus qu'une distraction de jeune homme ; il y faut
apporter avec soi autre chose que le simple bagage du touriste,
qui court de ruisseau en ruisseau, de vallée en vallée, de pay-
sage en paysage, ne cherchant dans la nature que la variété de
ses sites, et n'aspirant à rapporter pour tout souvenir de cette
belle enchanteresse que de pauvres lambeaux dérobés çà et \k,
sur la route, à sa tunique étincelante. l>es ruisseaux, nous en
passons à chaque pas; des vallées, nous en rencontrons tous
les jours ; il faut chercher autre chose aux pays antiques ;
M. Yemeniz nous le prouve dans sa charmante course à travers
la Grèce. II a compris comment il fallait la visiter ; il nous montre
que le charme des voyages n'est pas ce qu'on y trouve, mais bien
ce qu'on y porte, et que pour goûter ce fructueux far-niente du
voyageur, il ne faut certes pas n'avoir rien fait. Tant vaut
l'homme, tant vaut le loisir.
   Le beau des voyages pour moi c'est l'étude du passé et l'oubli
du présent. Le présent est toujours laid , il est un peu comme
notre prochain, on est toujours disposé à en médire. 11 n'y a de
beau que le passé et l'avenir : le passé, par ses souvenirs ; l'ave-
nir , par ses espérances ! Que cherche-t-on dans un voyage, si
ce n'est ce contraste entre la vie présente et le temps passé ? C'est
ce contraste qui fait le charme et la grandeur de tout ce qui n'est
plus ; c'est ce contraste qui fait que la Grèce est si belle, et
qu'elle exercera toujours sur nous la mélancolique fascination de
ses ruines. Ne montre-t-elle pas encore à tout pèlerin qui la
considère de l'horizon, comme Child-Harold, les blanches co-
lonnes de son temple de Minerve, qui, du haut du promontoire
de Sunium couronnent toujours l'azur de la mer Egée, et sem-
blent inviter tous les voyageurs errants du monde moderne
comme un lointain mirage du passé ? Les débris de ses belles
cités sont les ossements de ces siècles dont parle Virgile, et qu'en
fouillant le sol de la science, le laboureur n'exhume qu'avec un
mélange d'effroi et d'admiration :

           Grandiaque cffossis mirabilur ossa sepulchris.

                                           ( Gt'orgiques, liv. i ).
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