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138 UNE PROMENADE EN SUISSE deviner par quel chemin on aborde à leur seuil hospitalier, et comme posées délicatement sur la cîme à peine courbée des prairies et des fleurs, se laissent entrevoir de gracieu- ses maisonnettes propres et riantes, dignes d'abriter sous leurs toits heureux les rares mortels à qui le ciel accorde en ce monde la paix et le bonheur. Là , une flèche, qui semble lancer dans les airs sa croix brillante, s'élève sur une église suspendue aux flancs des coteaux, et qu'on abor- de en serpentant par un sentier où de petites chapelles re- tracent, de dislance en distance, les mystères sacrés de la voie douloureuse; voici Brissago, le dernier village de la Suisse, avec ses galeries symétriques et ses toits en terrasse; plus loin, au fond d'une baie enchanteresse, cette petite ville cou- ronnée de mamelons verdoyants, et mirant ses blanches mai- sons dans le cristal des eaux, c'est Intra, dont le doux nom repose nos oreilles de tant d'appellations tudesques et ro- cailleuses ; enfin, le bateau nous porte à Strezza, d'où nous devons nous diriger sur les îles Borromées, but principal de notre excursion dans ces contrées. Sur la droite du lac, dans un golfe délicieux encadré de verdure et de hautes montagnes, s'élèvent au dessus des flots quatre îlots, jadis roches stériles dans les fentes desquelles croissaient à peine quelques herbes et quelques arbustes, et où la main des puissants Borromées a fait naître mille merveilles de la nature et de l'art. C'est à Isola-Bella que nous porte d'abord notre barque ; elle s'amarre à un perron qui se perd dans les eaux et monte dans une vaste cour entourée de portiques, sous lesquels s'ou- vre un large escalier à rampe de marbre, qui nous conduit dans un vestibule immense d'où rayonne, à perle de vue, une suite d'appartements sans lin. Plus d'un souverain n'a pas un pareil théâtre pour étaler les pompes de sa cour; mais tout ce luxe, toutes ces richesses manquent en général, de