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ET AU LAC MAJEUK. 133 cipice de 200 pieds ; pour le franchir, il a fallu jeter une ar- che sur cet indomptable et vaste torrent ; entreprise téméraire, impossible dont la crédulité populaire avait fait honneur au prince des ténèbres car ce pont n'est rien moins que levrqi pont du Diable, ou plutôt celui qui lui a succédé (l'œuvre propre de Lucifer, placée trop bas pour la route nouvelle, se dégradant et tombant peu à peu, malgré son origine surnaturelle) ; nous le passons sans effroi, mais non sans émotion; et, à quelques pas de lft, après avoir tra- versé le roc sous une voûte profonde et obscure, voilà que nous sommes tout à coup transportés au milieu du calme, du repos et de la paix : les montagnes sont abaissées , un vert tapis émaillé de fleurs descend de leurs sommets, et couvre une large et riante plaine; l'azur du ciel s'empourpre des derniers feux du jour, et, bordant la route, un paisible ruisseau roule ses eaux limpides sur un lit de sable.... ce ruisseau, c'est la Beuss qui, à cent pas de là , s'emporte furieuse , écumante, brisant tout sur son passage, et dont le tonnerre fait encore entendre ses roulements lointains. Deux blancs villages se dressaient devant nous ; c'est Hos- penthal que nous choisissons pour y chercher un couvert assez froid et des vivres assez maigres... sauf un filet, non pas d'oure rassurez-vous, mais de chamois. Le lendemain,une confortable berline nous traîne à nou- veau sur les pentes du Sl-Gothard : soit pauvreté réelle, soit épuisement de nos sens fatigués, le paysage nous parut triste sans majesté, sauvage sans grandeur ; et c'est arrivés seule- ment au sommet du plateau que nous accordâmes quelqu'at- lenlionà la valléeétroite et profonde où,dansIebas et bien loin, sous nos pieds, s'étend le petit village d'Airolo, première halte de notre route vers le lac Majeur. Mais, pour arriver a ces contrées riantes d'où semble monter comme un souffle surchargé des premiers parfums de l'Italie, quelle distance