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128 UNE PROMENADE EN SUISSE de celle fouie, l'animation des acteurs, l'étrangelé du lieu, ces bannières flotlanles, je ne sais quelles influences répan- dues dans l'air, tout se réunissait pour frapper nos esprits; émus d'avance, nous songions aux puissants effets de ces masses vocales; nous rêvions quelque prière de Moïse, un chœur d'Haendell ou de Mendelshon enlevé par 500 voix vi- brantes d'émulation et d'enthousiasme Hélas! La montagne en travail enfante une souris ! Au lieu de ces accents formidables auxquels nous applaudis- sions déjà , voici les diverses familles de Fribourg, de Baie, de Zurich, qui s'en viennent tour à tour, au nombre de qua- rante ou cinquante exécutants, psalmodier, avec justesse et précision, sans doute, mais du ton le plus lamentable, quel- ques unes de ces somnolenles éJucubrations germaniques dont le docteur Schumann n'a pas seul le privilège. Voilà , mon cher ami, ce qu'on appelle ici un concert fédéral: mais comme cette plaisanterie allemande devait durer quatre heures, et qu'aucun de nous n'est en élat de lire les deux Faust tout d'une haleine, condition essenlielle pour écouler cela jusqu'au bout, nous nous hâtâmes de fuir et d'aller chercher d'autres émotions. Une gracieuse promenade nous conduit, non loin de la ville, dans un jardin plein de fraîcheur et d'ombrage, où, entouré de peupliers tremblants, couronné de mousses et de fleurs, s'élève un rocher grisâtre dans lequel un jeune artiste Suisse a fixé pour jamais la sublime pensée de Thorwaldsen, l'immortel lion de Lucerne : il s'étend accablé, leflancpercé d'un trait mortel; en tombant, il couvre de sa tête et de sa griffe désormais im- puissante, l'écusson fleurdelisé; une larme s'échappe de son œil mourant au fond duquel vil comme une étincelle qu'un souffle d'en haut doil ranimer un jour.... ! Au-dessous sont taillés les noms des héros morts, et de ceux qui échappèrent à la boucherie. Erigé en 1821 par la Suisse tout entière,