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                          BIBLIOGRAPHIE.                           81
       Les grands bœufs qui paissaient dans les herbes couchés ,
       Se rassemblent en rond sous les arbres penchés,
       Distraits, le cou tendu, les narines ouvertes,
       Aspirant vaguement l'odeur des plantes vertes
       Et regardant au ciel passer en mugissant
       Le nuage où l'éclair met un reflet de sang.

   D'autres fois, Rafaël, au lieu d'introduire dans les champs
les animaux , d'y convier les biches élégantes ou les bœufs
forts el doux, y place l'homme lui-môme , el, comme pour
embellir son paysage, il choisit de l'homme la meilleure par-
tie, l'enfant.
        Dans les prés verdoyants montaient les grandes herbes,
        Que le vent en passant inclinait sous son vol ;
        Un arôme sortait des blés liés en gerbes,
        D'où pendaient des épis dont l'or couvrait le sol.

        Un pommier où grimpait une vigne enlacée
        Pliait sous ses fruits mûrs ; — voici qu'un bel enfant,
        Espiègle, souriant, et la main avancée,
        S'approche pour cueillir un fruit d'or ; — triomphant.

        Il le saisit; — sa sœur, au pied de l'arbre assise,
        Effeuillait un bluet en souriant aussi ; —
        L'enfant lui jette alors sa conquête ; — surprise ,
        Elle ouvre ses grands yeux , sans lui dire merci.

        Puis, en retour, cueillant dans la verte prairie,
        Une fraîche pervenche, elle va la poser
        Sur ses cheveux bouclés mêlés d'herbe fleurie,
        Et lui met sur le front un candide baiser.

   Cette idylle ne vous a—t—elle pas gagné par sa pureté , sa
fraîcheur et sa grâce ? Ah ! si Rafaël eut toujours mis dans
ses beaux cadres des drames d'un sentiment aussi délicat et
d'une vérité si naïve et si louchante, que de charmants ta-
bleaux il eût fait !
   Rafaël, il a la forme, le mol docile, le vers obéissant, la
strophe pleine et sonore. Sa facilité n'est pas sans discrétion,
son abondance n'est pas sans mesure. Avec un peu moins de
caprice, avec plus de vérilé vive et plus d'émotion franche,
avec un peu de son cœur, il ferait, n'en douiez pas, un beau
poème.                                     VICTOR SMITH.

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