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 50                            JMPBOVÃSA'HON
paroles , et suiiout cet art merveilleux de faire accepter ses lumières sans
imposer ses volontés. Qui eût prédit alors au modeste étudiant de la tri-
bune publique, que l'avenir lui réservait à son tour un 'si long exercice
de ce redoutable honneur ! Je n'en ai connu que le poids. Je ne pouvais
prétendre à la gloire de mon illustre devancier. Il est des hommes auxquels
on succède et qu'on ne remplace pas. Toutefois la Providence, toujours
paternelle, ne m'a pas refusé les compensations ; elle a daigne me dédom-
mager par une faveur qui ne lui fut pas donnée.
   Ravez se vit forcé par la tourmente révolutionnaire de quitter sa terri'
natale. Un autre barreau l'accueillit, et il se fit bientôt un nom dans la
métropole de cette célèbre Gironde, à laquelle les passions contemporaines
ont jeté tour à tour l'anathème et l'apothéose , et que l'impartiale histoire
jugera peut-être digne de tous deux. La postérité admirera son génie, mau-
dira ses égarements, plaindra sa destinée si cruellement tranchée au mo-
ment où sa main, hélas ! impuissante, s'efforçait de réconcilier la révolution
et l'humanité, d'arracher la France aux hécatombes de la Terreur, et d'ar-
rêter enfin ce débordement sanguinaire qu'elle avait naguère elle-même té-
mérairement déchaîné.
  Ravez devait un jour prendre son rang dans une autre pléiade brillante
qui sut après plus de vingt années réveiller pour une autre cause , les fou-
dres éteints de l'éloquence girondine, associer avec tant d'éclat les gran-
deurs monarchiques de la vieille France et les fécondes libertés de la
France nouvelle, et porter si haut la renommée de notre tribune ressuscité^
dans l'admiration du monde.
   Ravez se fit un immortel nom dans cette célèbre phalange , à côté des
Laine, desMartignac et de tant d'autres maîtres de la parole. Mais il passa sa
vie loin de sa terre natale ; il dut sa gloire à une patrie d'adoption, et il ne
lui a pas été donné de reposer près de la cendre de ses pères.
    Et moi, Messieurs, loin de toutes ces grandeurs , je me suis vu plus heu-
reux. Je n'ai pas quitté le sol de mon berceau, ma vie s'est écoulée tout
 entière au milieu de vous. Ce sont des mains lyonnaises qui m'ont ouvert
la barre. Ce sont des voix lyonnaises qui m'ont porté cinq fois à la Chambre
élective. Le barreau, la tribune, le fauteuil : après Dieu, je dus tout à mes
 concitoyens. Le peu que je vaux est leur œuvre. Je ne suis qu'un enfant dé-
voué de ma ville ; ma ville a fait ma carrière, et ma carrière lui appartient.
Heureux s'il m'est permis désormais de lui consacrer oc qui en reste. Et voilà
que déjà son infatigable bienveillance semble m'en donner le signal. Quand
les jours de la politique ont été finis , elle a voulu couronner ma retraite
par les honneurs de ce fauteuil littéraire, ot pour mo les conférer vous avez
choisi le temps même de mon absence , avec cette gracieuse délicatesse qui