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BARTHÉLÉMY COURBON. Parlons des morts quelquefois, ne fût-ce que pour réveiller le passé. Mais parlons-en surtout lorsque, par quelque côté, ils sont dignes qu'on se souvienne d'eux et qu'on cherche à les imiter. Au mois d'avril dernier (combien d'autres sont partis depuis !) un cercueil parcourait les rues de Saint-Étienne au milieu d'une longue foule, venue d'elle-même, sans avoir été conviée, sans avoir été commandée "par les dignités ou les richesses qui se font du nombre une dernière décoration et comme une vanité suprême. Dans ces rangs, il n'y avait que des amis et des obli- gés de Barthélémy Courbon. Né en 1793, à Saint-Genest-Malifaux , d'une famille toute patriarchale , Barthélémy Courbon vint d'assez bonne heure à Saint-Étienne. Son père y avait acquis une étude d'avoué ; le fds lui succéda dans sa charge et dans l'estime universelle. Mais là n'est pas le caractère particulier et le côté saillant de cette modeste figure. En dehors des affaires, Barthélémy avait les goûts les plus élevés et les plus touchants , le culte des arts et la passion de la charité. Les arts et la charité entraient dans sa vie comme des préoccupations incessantes et de si impérieuses distractions, que le soin même de sa fortune eût volontiers obéi à leurs entraîne- ments et à ses inclinations. L'amour de Courbon pour les lettres et les arts était si peu égoïste , qu'en vérité on pourrait dire qu'il les aimait pour eux et pour les autres plus encore que pour lui. Il cherchait, les moindres occasions de leur faire des prosélytes. 11 s'ingéniait à faire partager aux autres les plaisirs qu'il goûtait lui-même. Il imaginait des réunions, il ouvrait sa bibliothèque, il ouvrait son salon. Aimer ce qu'il aimait suffisait pour y être bien accueilli ; il ne voulut jamais d'autre consigne.