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70                    BARTHÉLÉMY COURBON.
    Cet excellent homme avait un souci peu commun : il était ton-
jours en quête de louer. Journée perdue celle dans laquelle il
n'aurait pas trouvé du bien à dire de quelqu'un. Ce penchant lui
faisait même souvent dépasser les prudences d'une scrupuleuse
critique. Mais la louange s'échappait avec tant de naturel, tant
de franchise, tant de désintéressement qu'elle vous gagnait,
qu'on en subissait l'influence, qu'elle prélevait, en quelque sorte,
en passant, les droits de la sincérité.
    Louer n'était souvent, chez Courbon, qu'une manière d'aimer
son pays. L'éloge à un concitoyen n'était jamais mal adressé.
Etre né à Saint-Etienne lui semblait un privilège. C'est qu'il
éprouvait pour sa ville l'affection des familles enracinées dans le
sol. Il en recueillait les titres, il en rassemblait les archives ;
pas une histoire ne se fera sans qu'on ne la demande à sa pré-
cieuse collection. Il vivait en compagnie avec le passé dont il
avait fait un client toujours bien défendu. L'attaquer, c'était
mettre Courbon confre soi. Il l'évoquait même, avec tact et à
 propos, dans les discussions d'un intérêt actuel, témoin une bro-
 chure confidente de sa pensée et pleine de son patriotisme local,
 celle qui parut en 1852, lors des bruits du démembrement du
 département de la Loire.
    Si Courbon respectait le passé , il ne s'y enfermait pas pour-
 tant, il songeait au Saint-Etienne d'aujourd'hui, rêvant pour lui
 un peu d'ornement, ce luxe nécessaire de l'esprit qui lui man-
 que, une bibliothèque moins déshéritée, un vrai musée, tout ce
 qui fait l'agrément et les félicités des gens de goût. Quand il com-
 muniquait son désir, on avait beau lui dire qu'il faudrait une
 révolution pour que Saint-Etienne devint la ville des loisirs stu-
 dieux et des élégances de la pensée, il ne s'y arrêtait pas, et se
 faisait lui-même l'instigateur de cette métamorphose avec une
 ardeur, une intrépidité dédaigneuses de calculer avec les nobles
 entreprises.
     Ce n'était pointasse? pour lui delà bonté expansive de l'esprit,
 il lui fallait encore celle du cœur, et, de ce côté-là, il ne lui arri-
 vait jamais de se tromper. Sa charité s'employait surtout au ma-
  riage des pauvres. Il présidait cette société de Saint-François-