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t)S AIMÉ IIOYET. Royet voulut s'instruire directement et au toucher pour ainsi dire. 11 voyagea; il alla en Italie, en Allemagne, en Angleterre, alors qu'on pouvait encore appeler la course à Londres un voyage. La dernière foi3 qu'il alla à Londres, c'était pour l'exposition. 11 nous en parla dans des lettres, car il aimait à nous raconter les pays de sa connaissance. Il rapporta d'Italie un Voyage à Morne; d'Allemagne, un Pèlerinage sans foi. Mais Royet ne voya- geait que pour trouver plus de charme au retour, et plus d'at- trait à sa maison. Sa maison était la maison de son père. Il eût pu ki changer en hôtel ; il n'aimait pas le luxe sans souvenirs. II laissa pieuse- ment telle qu'elle était la maisonnette paternelle; et, dans celle rue écartée, en face de ces murs d'air ancien, chemin faisant, on louait intérieurement celui qui avait si bien conservé la religion du passé. 11 aimait la durée dans les affections. De bonne heure, il avait ouvert son cœur à quelques amis, et, louange rare, il les avait toujours gardés. Peut-être même, s'était-il un peu trop replié sur eux et trop fermé, comme s'il eût craint de laisser en- vahir la place par de nouveaux-venus. Peut-être aussi, et cela dans un autre ordre d'idées, ce goût pour la pérennité en toutes choses, l'avait-il rendu trop inaccessible à toutes ces grandes idées d'avenir, qui sont comme les voiles de l'esprit moderne. C'était, je crois, la seule jeunesse qu'il eût oublié de retenir. Il était pourtant bien fait pour les aspirations, lui qui s'éle- vait jusqu'à aimer son entourage et savoir faire de ses serviteurs une famille. Aussi, à son convoi, ce qui me touchait le plus, ce qui m'allaita l'âme, c'était la vue d'un homme qui l'avait, non point servi, mais accompagné dans la vie et qui pleurait la voix qui savait mêler au commandement l'accent divin de l'amitié. En face de la tombe, le talent c'est bien peu ; mais le cœur reste debout tout entier. Victor SMITH. Saint-Etienne , 15 juin.