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46                              IMPROVISATION
son esprit assez élevé pour les honorer toutes deux , assez pénétrant pour
savoir les servir l'une par l'autre.
   En effet, tout les rend solidaires ; la nature les a faites voisines , la poli-
tique doit les allier. Le commerce est appelé à grandir et à féconder leurs
mutuelles richesses ; le Piémont unit bien plus qu'il ne sépare la France
de l'Italie, il sera toujours le producteur et en quelque sorte l'associé de
notre opulente cité.
   Noeuds précieux que Matthieu Bonafous s'appliqua sans cesse à resserrer;
il y travailla par ses lumières comme par ses vertus.
   Il était modeste et bienfaisant ; la modestie qui sied toujours au mérite .
le faisait accueillir et rechercher dans un pays nouveau ; la bienfaisance
le rendait toujours présent à Lyon , quoiqu'il en ait vécu éloigné pendant
trente ans.
   La bienfaisance et la science sont sœurs ; car la science noblement pra-
tiquée est déjà presque une vertu, et la bienfaisance judicieusement exer-
cée est la première de toutes les sciences.
    Cette double et précieuse influence a sans cesse animé sa vie et dirigé
ses travaux. C'est ainsi que son habile expérience développait en Piémont
la riche culture du mûrier, et assurait ainsi à sa ville natale le pain de son
industrie et le levier de sa puissance.
   En même temps , sa munificence éclairée ouvrait sous vos auspices plu-
sieurs de ces concours qui stimulent les esprits par l'attrait de l'émulation ,
et font quelquefois avancer la science par le prestige des découvertes.
    Tantôt c'était un prix offert à la meilleure théorie des assolements de
nos contrées , tantôt c'était une prime proposée à la meilleure histoire de
l'industrie de la soie , la vie et la splendeur de notre cité.
   Mais son cœur aussi généreux que son esprit était large , aimait surtout
à payer les grandes dettes de la reconnaissance nationale, et il se trouvait
doublement heureux quand il pouvait en même temps mettre en lumière
quelque nouveau fleuron de la couronne lyonnaise.
   Le patriarche de la bienfaisance publique , le trésorier du pauvre , celui
qui remplaça la loterie par l'épargne, et les fiévreux entraînements du jeu
par les espérances légitimes du travail, Benjamin Delessert était né dans
nos murs. Matthieu Bonafous voulut que sa mémoire fût louée dans la
ville même où il avait vu le jour. De tels tributs sont peut-être la piété la
plus délicate envers ceux qui ne sont plus. Les regrets de la famille et de
l'amitié jettent souvent des fleurs sur des tombes vulgaires aux lieux mêmes
où elles se sont ouvertes , mais ce n'est que pour les hommes d'élite que
la reconnaissance publique fait remonter ses remercîments jusqu'à leur pre-
mière patrie et ses hommages jusqu'à leur berceau.