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'"•S? MEYERBEER ET L'ÉTOILE DU NORD. 513 audition, de la confusion pour l'oreille, soit encore. Mais une fois que l'on a saisi les linéaments de la pensée de l'auteur et, pour ainsi dire, la configu- ration de la mélodie à travers la simultanéité des sons et l'enchevêtrement des accords, on est frappé de la fermeté du dessin, de l'accentuation, de la netteté de la ligne. C'est de la musique solide, bien arrêtée , sans transpa- rence, étoffée; à aucune place le tissu n'est uni, mais toujours il s'offre chargé d'ornements les plus variés avec incrustations de pierreries. C'est cette habitude propre à Meyerbeer de briser la mélodie juste au moment où l'oreille s'apprête à en suivre le développement qui a fait croire à plusieurs que le souffle, l'abondance manquaient à ce maître. Mais qu'on ne s'y trompe pas, cette habitude tient non pas à l'impuissance, mais à un parti pris, à un système. Au fond, que veulent le musicien, l'écrivain, l'artiste ? produire, certaines conditions étant données, une émotion assez forte-pour nous arracher aux préoccupations du monde extérieur. Qu'im- porte alors que le musicien y arrive par des périodes longues, suivies de ritournelles attendues, ou par des phrases brusquement coupées et enchaî- nées avec art les unes aux autres. Le style de Fénelon ou cïo Massillon ne ressemble pas à celui du père Lacordaire ou de Michelet. La haine du rem- plissage, l'horreur du lieu commun, et aussi l'instinct si vivace en lui delà précision, lui ont sans doute fait adopter ce dernier système. Il y a été aussi porté par l'esprit tourmenté de notre âge qui vit en lui et dans sa mu- sique. Ce qu'on peut en effet reprocher à cette musique, c'est de n'être pas sim- ple, c'est d'être laborieuse dans son ensembe et ses détails ; la science n'y est pas exempte de recherches. Mais quel écrivain a été simple depuis Chateaubriand ? La simplicité n'est pas le fait des peuples avancés en civilisation et surtout des peuples en quête de nouvelles formules sociales. politiques ou religieuses. Qui ambulat simpliciter, ambulat confidenter dit. Salomon. La simplicité , la confiance , la paix, la sérénité , ces vertus se touchent et se ressemblent, mais elles manquent forcément à une épo que où prédominent, comme dans la nôtre, l'ardeur novatrice, l'ambition inquiète, les espérances démesurées et les exagérations tumultueuses. Aussi, pour bien juger et bien saisir les Å“uvres de Meyerbeer, il faut se reporter à l'époque de leur naissance. Toute notre fièvre de 1830 s'est d'ail" leurs bien calmée! et nous sommes loin de ces années où nuit et jour le Vésuve littéraire était en pleine éruption. Quelle époque ! C'était le temps où Victor Hugo publiait Notre-Dame-de-Paris et les Feuilles d'automne, Lamennais les Paroles d'un Croyant, de Vigny Chatter- ton, et Barbier les Ãambes. Un jour, Chateaubriand, rencontré dans la rue, était spontanément porté en triomphe par les Écoles ; le lendemain, le père