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LA DIPLOMATIE FRANÇAISE EN ORIENT. 303 première fois l'opinion publique à sa cause en se posant comme vengeur de la société chrétienne, au contraire de son rival qui s'alliait avec les ennemis de la foi. Rassuré par celte conviction que les sympathies de l'Europe l'accompagnaient, il n'hésita point, au mépris des dispositions hostiles de Fran- çois Ier, à poursuivre son entreprise préparée dès l'année précédente. Celle guerre déclarée à une nation musulmane devait, fût-elle couronnée ou non du succès, ajouter une considé- ration plus pressante aux motifs des négociations qu'avait à poursuivre la France auprès de la Porte Ottomane. D'ailleurs l'assassinat de Rincon venait encore compliquer la question en ajoutant un nouveau grief à ceux de François Ier contre son rival ; en face d'une violation aussi flagrante du droit des gens, le roi n'avait plus de ménagemenls à garder et afin d'imprimer un sceau plus énergique à sa politique tout en donnant de l'assurance à ses partisans, il prit le parti d'accréditer auprès du Grand-Seigneur un personnage dont la position participerait à la fois du caractère di- plomatique et du caractère militaire. Antoine Escalin des Aymards, baron de la Garde, marin distingué, connu plus généralement sous le nom de capitaine Polin, fut choisi pour continuer la mission de l'infortuné Rincon. Ses an- técédanls le caractérisaient comme un de ces aventuriers qui doivent aux vicissitudes de leur fortune le talent d'en impo- ser au commun des hommes et qui possèdent l'art des res- sources imprévues dans les circonstances critiques. Aussi quoique n'étant alors que simple capitaine, le roi l'avait jugé très-capable de remplir une mission périlleuse. Il se mit immédiatement en route, emportant avec lui un service de vaisselle d'argent d'un travail exquis, et du poids de six cents livres, destiné au sultan et cinq cents robes de brocard pour les officiers de la cour.