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SUR LA LITTÉRATURE ITALIENNE ET ESPAGNOLE. 439 jours ? Loin de là ! A peine le choc des armes eut-il cessé de retentir , à peine les siècles de ténèbres, d'angoisses et de carnage furent-ils passés, au moment où le nord de la France , l'Angleterre , la redoutable Allemagne , constitués en belliqueux états, semblaient chercher en vain une lumière incertaine , quelle contrée se réveille la première au contact d'un esprit supérieur ? Où s'opère avec plus d'éclat la fusion de cette double tendance du passé avec ses souvenirs, de l'avenir avec ses espérances, fusion consommée et consacrée ; par le souffle inspirateur du Christianisme? Voyez-vous cette élite guerrière qui s'avance couverte de blessures, reçues avec honneur dans une lutte périlleuse ? Où vient-elle oublier ses fatigues et chanter les émotions profondes qu'elle a rapportées de la Terre-Sainte, terre de merveilles, où do- minent à la fois les traditions les plus vénérables et les plus vives fascinations de l'erreur, où la science mondaine de l'isla- misme tourne au profit des champions de la croix? Où nait * la littérature moderne, si ce n'est en Provence , patrie des troubadours ? Quel mer retentit de leurs cris d'enthousiasme, si ce n'est la Méditerranée, cet antique Océan d'Homère , qui a vu surgir sur ses bords tant d'illustrations immortelles ? Rome rajeunie , régénérée , porte la tiare pontificale ; Venise et Gènes lancent au loin leurs vaisseaux , Naples , Milan , Florence , villes riches et respectées, sont les centres de flo- rissants étals. C'était l'aube d'une nouvelle existence , d'une X ère de civilisation élégante , tandisque tout le nord , dédai- gneux de la forme, enveloppait ses fortes pensées dans un style bizarre et obscur. Les troubadours se turent ainsi que leurs émules, les mé- nestrels, les trouvères, les minnesinger; car l'heure était venue où un homme prodigieux résumerait en lui toute la littérature ; où , s'armant de la foudre vengeresse, il con- fondrait dans le même anathême les vices du cœur et les