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464                     EXCURSION DANS LE MIDI.
le parti que je devais prendre, et trouvant du danger à laisser soupçonner un
acte de piété qui pouvait être mal interprêté dans un pays agile encore par les
opinions politiques, je me décidai à faire consumer par la chaux les chairs
qui restaient encore au cadavre, dont je fis emporter les diverses parties au
château de mon dit domaine ; le fossé fut recomblé et recouvert de brous-
sailles pour en dérober la place. Le lendemain, dès le matin, j'envoyai Louis
Arnaud à la ville pour chercher une mesure de chaux, et le soir, dès que tous
les gens de la ferme furent couchés, nous procédâmes à cette opération dans
un grand baquet que j'avais fait préparer à cet effet. Les diverses parties du
corps ainsi chaulées furent déposées sur de la paille, où elles séchèrent pen-
dant quelques jours. Le 1 1 , avant-veille de mon départ pour Paris, je fus au
Mas-des-Tours avec Arnaud et Monclergeon, et fis emballer ces restes dans une
ancienne caisse de savon, afin de donner le change sur son contenu. Cette
caisse fut placée derrière ma chaise-de-poste, où elle resta jusqu'au 23 que
j'arrivai à Paris. Dès le lendemain je m'empressai de prévenir la famille du
maréchal que j'avais rempli mes engagements. Le 24 au matin, madame la
maréchale m'envoya MM. Lhomond, oncle, et         , ancien aide-de-camp du
maréchal, auxquels je remis la caisse qui renfermait l'objet de leurs éternels
regrets.

  En foi de quoi j'ai rédigé et signé la présente déclaration, ainsi que Louis
Arnaud et Monclergeon.
                                                   Signé: DECHARTROOSE (1).
  Fait à Arles, le     août 1821.


   (l)Peu de jours après celui où M. de Charlrouse eut remis aux mandataires de
M me la maréchale Brune les tristes et chères reliques, il fut invité par l'illustre
veuve à un grand dîner qu'on pourrait appeler le repas des funérailles. En
arrivant à l'hôtel de la maréchale, il trouva, sous le vestibule, des laquais qui
l'attendaient vêtus do deuil et portant des flambeaux. Le vestibule ainsi que
l'escalier étaient tendus de noir. Arrivé au salon qu'on avait décoré avec le
même appareil, M. de Charlrouse fut reçu par la noble veuve de la manière
la plus touchante, et présenté par elle, avec les marques de la plus haute
considération, aux parents, aux amis, aux aides-de-camp du maréchal, réunis
pour la fête funèbre. Pendant le repas, toutes les attentions, toutes les distinc-
tions furent pour lui. Enfin, l'Empereur lui-même n'aurait pas été entouré de
soins plus empressés si, au retour d'une campagne glorieuse, il fût venu com-
plimenter la veuve d'un de ses vieux compagnons tombé au champ d'hon -
neur.