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DIGNE ET LES ALPES. 267 l'offre d'un cheval au prochain succès de vos armes; j'étais donc alors bien évidemment tout à vous, comme nous l'étions tous, Sire ; mais aujourd'hui, Sa Majesté le sait, son abdica- tion a dû nous faire contracter de nouveaux engagements, et personne mieux qu'Elle n'est à même d'apprécier les sujets fidèles. —Sans doute, M. le maire; mais vous me parlez de mon abdication ; je ne l'ai faite que dans les vrais intérêts des Français. Il fallait, l'année dernière, faire cesser l'effusion du sang. Aujourd'hui, le trône des Bourbons est entouré delà féodalité ; il laisse dans des transes éternelle les acquéreurs des biens nationaux; il faut que je profite de ces avantages. —Mais, Sire, lui répondit M. deGombert, votre abdication n'en est pas moins pour nous un fait accompli ; et puis, il fal- lait, dites-vous, faire cesser, l'année dernière, l'efl'usion du sang. Votre Majesté ne craint-elle pas de le faire verser plus abondamment encore cette année ? —Pas du tout, M. le maire; soyez tranquille. Il ne sera versé ni une goutte de sang, ni brûlé une seule amorce. Deux régiments m'attendent à Gap, tout autant à Grenoble: je suis sûr delà population de Lyon, et j'ai de bonnes nouvelles fraî- ches de Paris. Enfin, si l'armée est à moi, comme je m'en flatte, j'ai la certitude de remonter sur mon trône. Je n'ai pas passé par Marseille, parce que les Marseillais ne sont pas mes amis. Puis il ajouta : —Et vous, Monsieur le maire, qu'étiez-vous avant la révo- lution ? —Sire, je suis né d'une ancienne famille noble. —Àvez-vous des terres nobles ? —Non, Sire; mais, après avoir été sincèrement affligé de vos revers, j'ai dû sans peine voir succéder un état de choses qui seul, dans ma conviction, promettait la paix au monde.