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262 DIGNE ET LES ALPES. parmi lesquels se trouvait la lunette de Galilée, que le testa- teur avait reçue de lui, ce qui faisait toute sa fortune, avec mille à douze cents livres d'argent, et quelques créances pour reconnaître les bons et loyaux services de son domestique. Il ajoute, en parlant de ses ouvrages, que bien que le testa- teur n'ait jamais eu la pensée de tirer aucune chose de son travail et desdits écrits, si néanmoins ils se trouvaient de quelque valeur, il désire que ce qui en proviendra soit donné à ce même domestique. C'est bien finir sa vie que de la ter- miner ainsi par la charité. Il ne faut pas chercher, dans les environs de Digne, une population remarquable ni forte; les hommes y sont en sens inverse de leur nature alpestre, généralement petits et disgra- cieux. Un spectacle étrange dans ces pays pauvres, du reste, c'est la verdure de la culture dès qu'il y a la moindre vallée. Ce contraste de montagnes ardues et de riants bassins où croissent à merveille des produits nombreux se renouvelle fréquemment, et se poursuit à peu près depuis la plaine de Digne jusqu'aux environs de Grenoble. Une pluie ordinaire précipite du haut des montagnes de fougueux torrents qui se creusent des lits profonds, et il n'est pas rare de voir presque à sec, par les chaleurs, certaines rivières qui, de même que la Bléone, à Digne, envahissent habituellement un large espace de terrain, y déposant leurs pierres et leur sable. Ce terrain, quand on peut le gagner sur les rivières, est bien loin de rester impro- ductif. Lorsqu'on part de Digne pour venir à Lyon par la route de Grenoble, on suit à peu près partout le chemin qui vit passer Napoléon, au retour de l'île d'Elbe. Le souvenir de ce brusque et impétueux voyage est présent encore à beaucoup de mémoires. Soit par le prestige de son nom, soit par l'ébran- lement de quelques fidélités douteuses, ji fut assez facile à Napoléon de traverser deux ou trois petites villes où son aigle