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LES CARMÉLITES. 231 Non, sans doute, disais-je ; je ne veux pas les profaner, el je ne veux pas renoncer à mes plaisirs avant quarante-cinq ans. — Mais n'avez-vouspoint de remords? — Non, et pour- quoi en aurais-je ? je ne fais de mal à personne ; je laisse le paradis futur à qui le voudra, je me contente de celui dont je jouis. 0 délire pitoyable , qui me faisait parler ainsi ! c'est sur celte insensée que le Seigneur a daigné jeter des yeux de compassion pour dessiller les miens, et me rendre a moi- môme ; car, en naissant, il m'avait donné une bonne ame, un cœur droit, compatissant, bienfaisant, susceptible des meil- leurs sentiments, et une horreur pour le vice bas et honteux. S'il eût permis que des parents plus aisés et plus attentifs à mon éducation eussent cultivé les heureuses dispositions et la facilité surprenante avec laquelle j'apprenais tout ce qu'on m'enseignait, peut-être aurais-je été vertueuse. Dieu sait ce qu'il m'a coûté de larmes pour cesser de l'être ; Dieu sait encore qu'à l'âge de dix-neuf ans, nie trouvant dans une ville de Flandres, aux portes de la mort, je promis d'abandonner pour jamais la profession dangereuse où j'étais engagée, si l'on voulait m'assurer deux cents livres de pension viagère : on le pouvait; on le devait ; on ne l'a pas fait ; Dieu veuille qu'on n'ait pas à rendre compte à son tribunal des éga- rements où les occasions séduisantes me plongèrent quelque temps après ! « En voilà trop, quoique ce ne soit qu'un léger crayon de l'abîme de misères qui ont attiré les miséricordes du Seigneur. Il me faudrait deux ans au moins pour les écrire toutes, et six mois pour les dire de bouche. Vous avez exigé de ma con- fiance cet abrégé qui m'a fait répandre de nouveaux ruis- seaux de larmes ; j'exige à mon tour de votre zèle, que vous m'aiderez à rendre h Dieu d'éternelles actions de grâces, el que vous lui demanderez de couronner en moi ses propres bien- faits, par la persévérance finale, et une bienheureuse mort. »