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LES CARMÉLITES. 225 avait exaucé mes désirs; il permit au démon d'inspirer à plu- sieurs méchants hommes de venir, la première nuit, faire et dire, à la porte du monastère, des choses abominables, pour me diffamer et m'en faire chasser. Les sœurs tourières, scan- dalisées d'un si indigne procédé, s'en plaignirent à la révé- rente Mère Prieure, qui me demanda quels en étaient les au- teurs. Ne connaissant qui que ce fût dans la ville, je ne pus lui en rendre raison, sinon que j'avais bien mérité un pareil affront, de quelque part qu'il pût venir. La Mère Prieure le fit savoir à M. l'archevêque, qui, apparemment plus instruit, et indigné de cette noirceur, donna de si bons ordres, qu'il ne s'est plus rien ouï de semblable. Mais, quinze jours après, on débita que je n'étais pas née d'un légitime mariage, parce que les personnes, dans cette triste circonstance, ne sont point reçues dans ce saint ordre: autre étonnement pour moi. J'écrivis à M. le curé de St-Sulpice l'honneur qu'on me fai- sait en ce point, et le priai de vouloir bien se donner la peine de tirer lui-même, des registres de sa paroisse, mon extrait baptismal, et de me l'envoyer, ce qu'il eut la bonté de faire de sa propre main, et de l'accompagner d'une lettre en forme de certificat, qui confondit la malice du démon. Tant d'épreuves, et mille autres de cette nature que je passe sous silence, loin de me décourager, me faisaient au contraire bé- nir la miséricorde de Dieu; je crus devoir en prendre le nom à juste titre. Je demandai à la Mère Prieure de vouloir bien me permettre de vivre cachée et inconnue, sans nulle cor- respondance avec parents ni amis ; elle n'y voulut pas con- sentir, disant que n'ayant pour amis que des personnes res- pectables, une correspondance religieuse convenait pour qu'on sût si je persévérais ou non dans la pénitence que Dieu m'a- vait inspirée, et qu'il serait content que je soumisse mon at- trait à l'obéissance : c'est ce que je fis sur-le-champ. « Je l'avais priée, en entrant, de ne me point ménager, et 15