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174                A M. V. DE LAPRADE.

 Tout ce que j'ai trouvé de joie et de tendresse,
 Dans ces chants éclairés d'un rayon si vermeil,
 Que je me sentais vivre au pays du soleil.
 Poète, aigle des monts, c'est bien là ton mystère,
 Lever si haut les yeux qu'on ne voit plus la terre,
 Peindre ce qui n'est pas, ce n'est point un malheur.
 Ce qu'on rêve ou devine, à coup sûr est meilleur
 Que ce qu'on voit, les yeux attachés sur l'abîme
 Où nature et mortels vivent de crime en crime.


 La terre est triste, enfant, et j'y vis consterné,
 Vers un réel affreux sans cesse ramené ;
 Ainsi que ce Bramine à l'ame douce et pure,
 Découvrant dans les fruits, sa sainte nourriture,
 Mille monstres affreux, et la chair et le sang,
 Dont cet homme divin se croyait innocent.
 Mais, sans chercher si loin les effets et les causes,
 Je me plais à tes vers, comme au parfum des roses,
 Et je m'endors brisé sur ce charmant poison,
 Dont pour se consoler s'enivre la raison.
 Ceux que l'on nomme à tort ici-bas les plus sages
 Aiment aussi parfois courir sur les nuages;
 Et les liens sont dorés de lumière et d'azur.
 Ne rencontrant si haut rien de noir, ni d'impur,
 J'y monterai souvent, tant que mes faibles ailes
 Pourront me soutenir dans ces routes nouvelles;
 Cet air est vif pour moi, j'y vis avec transport,
 Mais mon esprit s'y trouble et n'est pas assez fort.


 A leur sommet on dit que nos Alpes sublimes
 Ne peuvent garder l'homme en leurs terribles cimes,
 Et ceux qu'un saint devoir oblige d'y rester,