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118                     TABLEAU ET SAC DE ROME.

cheveux blancs que si, à la prochaine course, l'aurige
ne tournait pas adroitement la borne, c'en était fait de
la République. On les voyait, des journées entières,
nu tête, exposés à l'air, au soleil, ou à la pluie, discu-
 ter avec une ardeur minutieuse les qualités ou les
 vices des auriges et des chevaux. Maintenant, le jour
des jeux équestres, le jour tant désiré, arrivait-il enfin ?
ces hommes rongés par une ignoble paresse devan-
çaient l'aurore ; souvent même passaient la nuit à
parier, les uns contre les autres, avec anxiété, sur l'issue
probable de la lutte, et de la couleur pour laquelle ils
avaient pris parti. Il semblait que le Cirque fût leur
sénat, leur habitation, leur temple. S'il fallait quitter
Rome, le grand regret qu'on emportait, c'était de se
voir privé des jeux du Cirque (1).
    A tous les genres de spectacles , soit qu'on donnât
une course de chars , soit qu'il y eût une chasse
d'animaux sauvages, soit qu'on représentât quelqu'une
de ces nombreuses et obscènes farces, avec lesquelles
les mimographes avaient étouffé la bonne comédie,
toujours cette populace grossière et turbulente se livrait
aux mêmes clameurs désordonnées. Les apprêteurs
de la scène (artifices scenarii) avaient-ils négligé d'a-
cheter les bonnes grâces de ces inflexibles juges? il
fallait passer par leurs sifflets. N'y avait-il pas cet
odieux et cruel divertissement? alors, c'étaient de
brusques apostrophes qui, dans leur familiarité pro-
tectrice, n'épargnaient pas même les femmes. D'autres
fois, c'étaient des vociférations hideuses et dignes des

 ( r ) Iuvenal., Sat. xi, 5a et 1 9 1 .