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98 TABLEAU ET SAC DE ROME. d'un envahissement de la grande cité par quelque peuple barbare (1). Heureusement que Cicéron n'avait pas le don de lire dans l'avenir, car il eût vu qu'a- vant dix mille ans cette illustre ville de Rome devait être prise et saccagée par les peuples du Nord, qui avaient à peine les yeux tournés vers elle au temps de l'orateur. Qu'eût-ce été, s'il avait pu prévoir l'avilis- sement de ce vaste Empire ? Pendant les deux premiers siècles qui suivirent la chute de la République, l'Italie, devenue le jardin de Rome, allait se consumant dans ses mollesjouissances. Un insigne fléau, qui amena presque tous les autres, ce fut le rapide accroissement de la population. En géné- ral, on s'était habitué à regarder le mariage comme un joug trop pesant, et les lois avaient été impuissantes à comprimer le goût d'un scandaleux célibat. Les choses en étaient venues à un tel degré que, au temps de l'empereur Constantin, la possession d'un fils com- portait de grands privilèges. Le désordre commença par les hautes classes, et-descendit bien vite dans les rangs infimes, non seulement de Rome, mais encore des provinces. Celles qui étaient le plus près de la mé- tropole, et où les heureux du jour, les opulents pa- triciens allaient se gaudir dans leurs villas, comme la Campanie, furent infestées des premières. Celles qui se trouvaient plus éloignées, comme la Lombardie, con- servèrent plus longtemps l'antique simplicité (2) ; (i) Cur ego doleam, si ad decem millia annorum gentem aliquam urbe nos- tra potituram putem, quia tanta caritas patriae est, ut eam non sensu nostro, sed salute ipsius metiamur ? Ciccr. Tuscut., t, 27. (2) Plin. Episl. 1, 14.