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CHARLES NODIER. 17 lent de Nodier, c'est à bien dire de vous faire illusion avec la phrase à peu près comme la perspective en peinture : art difficile, dont il a su user précisément avec la modération faite pour plaire sans jamais fatiguer. On peut juger de cette aisance à manier la langue en la forçant de prendre tous les tons et toutes les couleurs par quelques pastiches semés dans ses œuvres : dans le Dernier Banquet des Girondins,, morceau dont nous avons peine d'ailleurs à approuver la composition et l'esprit, il se trouve un discours de Vergniaud qui semble tombé de la bouche de ce pur et harmonieux orateur. Quand l'auteur de Séraphine s'est essayé à la poésie ( à quoi ne s'est-il pas essayé ! ) il y a porté la même grâce facile, et la même perfection de forme que dans sa prose avec quel- que chose de plus : dans l'une, il est plus souvent ingénieux que naïf, l'imagination y parle plus que le sentiment ; c'est le contraire dans les autres. « Ils ont tous été écrits au village. » dit-il dans la dernière édition fort incomplète qu'il en a donné. Tant mieux ! Us en ont conservé le calme, la douceur, la paix, hôles fidèles que retrouvent toujours au retour les hommes heureux dont la patrie fut un village. Parmi ses contes en vers il en est que n'aurait pas dédaigné Lafontaine, on a cité souvent le Fou du Pirèe. Voici le début de Babouk : On dit ( car d'après moi c'est rarement que j'ose Mettre en scène les gens; riche de doux loisirs, De quelque vieil auteur je rhabille la prose, Et ce travail fait mes plaisirs, Ma gloire, c'est une autre chose ) On dit, pour revenir au fait, Qu'un roi de Perse un jour fut atteint d'humeur noire. Un roi ! vous vous moquez? se peut-il ? En effet Je ne le croirais point s'il n'était dans l'histoire; Le sort envers les rois est rempli de douceur