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IlS                  VINGT-SEPT ANNÉES

du blé qu'on réduisit en farine en le broyant entre deux
pierres, et l'on en fit de mauvaises galettes qu'on fit cuire
sur la braise ; des figues aplaties et arrangées en forme de
meules, des citrouilles composèrent le premier bon repas
que nous ayons fait depuis longtemps. Beaucoup se mirent
à chasser les pigeons, qui, effrayés, s'étaient sauvés de leurs
réduits et voltigeaient de maison en maison. L'on en tua
une grande quantité ; mais des accidents étant résultés de
cette chasse, elle fut sévèrement défendue, et ce ne fut que
le lendemain, lorsque les premiers besoins furent satisfaits,
que tout rentra dans l'ordre. Alors on put repaître ses yeux
du triste tableau que présentait cette ville dévastée.
   « Pendant la dernière nuit que nous passâmes à Mascara,
le feu éclata sur tous les points, et nous achevâmes l'œuvre
de destruction commencée par les Arabes. Ces longues
colonnes de feu qui s'élevaient en tourbillons, le silence
d'une nuit sombre, pluvieuse, qui n'était interrompu que
par le pétillement du feu, le cri sinistre des chacals et les
aboiements plaintifs des chiens fidèles, qui, seuls, étaient
restés à la garde des maisons abandonnées, tout cela offrait
un spectacle imposant, magnifique, qui portait à d'étranges
réflexions sur le sort d'un ennemi, qui, fier et glorieux de
ses succès, se croyait invincible et à l'abri de toute attaque
désastreuse, il y avait quelques jours, et qui, dans ce
moment, du désert où il avait été forcé de se retirer, pou-
vait voir réduire en cendres cette ville qui, naguère, avait vu
son triomphe. »

   Le capitaine Forey parle alors des périls de la retraite.
(( Mais, ajoute-t-il, l'étoile de la France, en laquelle nous
avions mis toute notre foi, ne nous abandonna pas. » Il y
eut, cependant, des désordres et des scènes douloureuses:-